Pour faire le point sur l’actualité en toute tranquillité, retrouvez chaque mois la newsletter de la Prépa Dalloz. La synthèse des faits et évènements juridiques marquants et des conseils de révisions sélectionnés et retransmis par notre équipe pédagogique, pour ne jamais rien manquer de l’actualité dans son ensemble !
Par Victoria Chanut DESCOMBES
Droits pénal
Abolition du discernement : le devoir d’auditionner les experts
Crim. 15 mars 2023, FS-B, n°22-87.318
Quels sont les faits de ces affaires ?
Une femme qui vient d’accoucher blesse volontairement à l’arme blanche son nourrisson et sa nièce, et tue son neveu. La prévenue est mise en examen, placée en détention provisoire puis en hospitalisation sous contrainte.
Le juge d’instruction estime qu’il existe des charges suffisantes et ordonne la transmission au procureur général aux fins de saisine de la chambre de l’instruction. La chambre soumet la prévenue à trois expertises afin d’apprécier sa responsabilité pénale. La première expertise conclut à une altération du discernement au moment des faits, la deuxième et la troisième en son abolition. Cependant, la chambre n’a pas entendu l’expert de la dernière expertise.
Un pourvoi en cassation est formé : la mise en cause reproche à l’arrêt d’avoir écarté l’existence d’une cause d’irresponsabilité pénale et d’avoir ordonné sa mise en accusation sans avoir procédé à l’audition de l’ensemble des experts.
La question qui se pose est de savoir si tous les experts intervenus au cours de la procédure doivent être entendus.
Quelle est la solution retenue par la chambre criminelle ?
La chambre criminelle casse l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel et les parties sont renvoyées devant cette même chambre autrement composée. La Cour affirme que lorsque plusieurs expertises sont effectuées, tous les experts doivent être entendus par les juridictions d’instruction, et ce, peu importe leur décision. Pour la chambre de l’instruction, l’audition d’un seul représentant de chacune des thèses, à savoir l’abolition du discernement et l’altération de ce dernier, semblait suffire, ce qui a été censuré par la Cour.
Cependant une limite est posée : si une même expertise est effectuée par plusieurs experts, alors il n’est pas nécessaire de tous les auditionner. Un seul expert peut tous les représenter (par exemple : dans cette affaire, deux experts avaient été désignés dans la deuxième expertise, mais un seul d’entre eux avait pu exposer ses conclusions lors de l’audience). Conformément à la jurisprudence (Crim. 29 novembre 2017, n°16-85.490), chacun des experts désignés a la qualité pour exposer seul à l’audience le résultat des opérations techniques réalisées.
Droits et libertés fondamentaux
Conducteur filmé par un policier lors d’un contrôle routier : pas d’atteinte à l’intimité de la vie privée en l’absence de preuve à l’opposition à être filmé
Crim., 28 mars 2023, F-D, n°22-83.069
Quels sont les faits de l’affaire ?
Un policier municipal fait usage d’une caméra lors d’un contrôle routier en dehors de tout cadre légal et filme le conducteur au volant de son véhicule. Il est condamné par le tribunal correctionnel pour atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui, solution confirmée à deux reprises par la cour d’appel.
Cependant, le premier arrêt rendu en appel est cassé car il ne constate pas que les personnes filmées se trouvaient dans un lieu privé. Or, l’article 226-1 du Code pénal sanctionne la captation d’images dans un lieu privé (en l’espèce, l’habitacle d’une voiture). De plus, cet article pose une présomption légale de consentement à la captation d’images lorsque l’intéressé ne s’y est pas opposé et qu’il était en mesure de le faire.
La cause et les parties sont alors renvoyées devant la même cour d’appel autrement composée, mais elle confirme une seconde fois la condamnation du policier. Elle rejette la présomption de consentement aux motifs que la personne contrôlée n’était « pas en mesure d’opposer son consentement » à la captation d’images dans un lieu privé par le policier. Selon la cour, l’individu se trouvait dans “les circonstances d’un contrôle d’identité opéré par des policiers municipaux” qui lui reprochaient plusieurs infractions routières.
Un nouveau pourvoi en cassation est formé par le policier. La cour d’appel aurait inversé la charge de la preuve pénale, alors qu’au sens de l’article 593 du Code de procédure pénale, le jugement ou arrêt de condamnation doit constater l’existence, à la charge du prévenu, de chacun des éléments constitutifs de chacune des infractions dont il est reconnu.
Ainsi, l’absence de consentement est-elle caractérisée et la preuve que le conducteur du véhicule s’est opposé à être filmé est-elle rapportée ?
Quelle est la solution retenue par la chambre criminelle ?
La chambre criminelle casse l’arrêt rendu en appel.
- Sur la qualification du délit: la cour d’appel a seulement retenu que le conducteur n’avait pas pu exprimer son opposition à être filmé en raison des circonstances de l’espèce, alors qu’elle aurait dû constater le défaut de consentement, élément constitutif de l’infraction ;
- Sur la charge de la preuve: il revenait à la cour d’appel de rechercher dans les éléments de la procédure ceux de nature à emporter sa conviction que le conducteur s’était opposé à être filmé, la charge de la preuve pesant sur le ministère public et non sur le prévenu, contrairement à la charge de la preuve relative à l’admission de la présomption légale.
Pour condamner le policier, la cour d’appel aurait dû rechercher tous les éléments de nature à prouver que le conducteur était opposé à être filmé. Or, ces éléments essentiels ne peuvent pas tenir aux seules circonstances de fait.
Cependant, cette solution peut paraître surprenante, dans la mesure où l’on peut légitimement se demander comment une personne faisant l’objet d’un contrôle routier peut s’opposer concrètement à ce que les policiers la filment, et comment celle-ci peut savoir que la caméra du policier la filme en dehors de tout cadre légal ?
Conformité à la Constitution du régime de responsabilité des parents du fait de leurs enfants
Cons. Const. 21 avril 2023, n°2023-1045 QPC
Quels sont les faits de l’affaire ?
Dans cette QPC, il s’agit d’examiner la constitutionnalité du quatrième alinéa de l’article 1242 du Code civil prévoyant un régime de responsabilité sans faute selon lequel le père et la mère, exerçant conjointement l’autorité parentale, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux.
En l’espèce, il est reproché qu’en cas de séparation ou de divorce, seul le parent au domicile duquel la résidence habituelle de l’enfant mineur a été fixée est responsable de plein droit des dommages causés par ce dernier. Selon le requérant posant cette QPC à l’occasion de son litige, cela constituerait en une rupture d’égalité devant la loi :
- Entre les parents : seul le parent chez qui la résidence de l’enfant a été fixée est susceptible de voir sa responsabilité de plein droit engagée, et ce même si l’enfant est présent physiquement chez l’autre au moment du fait dommageable ;
- Entre les victimes : ces dernières ne pouvant pas rechercher la responsabilité de plein droit de l’autre parent.
Le requérant soutient également que ladite disposition inciterait le parent dont la résidence de l’enfant n’a pas été fixée à se désintéresser de l’éducation de ce dernier, l’autre parent étant responsable de plein droit, ce qui méconnaitrait l’exigence constitutionnelle de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit au respect de la vie privée, et le droit de mener une vie familiale normale.
Quelle est la solution retenue par les Sages ?
Les juges du Conseil constitutionnel déclarent la disposition conforme à la Constitution.
- Pour justifier leur décision, ils écartent l’existence d’une méconnaissance du principe d’égalité devant la loi. L’égalité est requise entre deux situations comparables : or, même si les deux parents sont titulaires de l’autorité parentale, il existe bien une différence de situation entre les deux parents quand l’enfant a sa résidence chez seulement l’un des deux puisque seul l’un deux a la garde juridique de l’enfant, : dès lors, il est justifié que ce dernier réponde automatiquement des dommages causés par l’enfant qu’il a sous sa garde.
- En ce qui concerne la méconnaissance des exigences constitutionnelles susvisées, le Conseil n’a pas donné de justifications. Cependant, on peut analyser ce refus en ce que le parent chez lequel la résidence habituelle de l’enfant n’a pas été fixée, même si, admettons, ce dernier se désintéresse de l’éducation de l’enfant, peut quand même voir sa responsabilité engagée sur le fondement du fait personnel en présence d’une faute de surveillance.
Conseil méthodologique : faire des fiches pour réviser
Pour certains, faire des fiches constitue une perte de temps, en effet, il faut que ces fiches vous servent dans vos révisions, que ce soit pour apprendre ou pour vous auto-interroger. Il n’est donc pas forcément nécessaire d’en faire ! Si vous le souhaitez, voici quelques conseils pour les réaliser.
- Elles doivent rester synthétiques. Utilisez des mots clés, et n’hésitez pas à faire des schémas récapitulatifs. Mais surtout … ne recopiez pas tout le cours !
- Elles doivent être faites au fur et à mesure. Autrement, vous vous retrouverez face à un gros pavé de cours indigeste …
- Elles doivent être structurées. Suivez le plan du cours, et servez-vous de codes couleurs pour les notions ou définitions à retenir par cœur.
- Elles doivent vous aider à vous auto-interroger. N’hésitez pas à indiquer en bas de la fiche quelques questions sur celle-ci ! Cela vous permettra de réviser plus activement.
- Elles ne doivent pas correspondre à votre cours recopié machinalement : reformulez-le ! Cela active le processus de mémorisation grâce à une relecture attentive.
TIPS : Avant de réaliser une nouvelle fiche, n’hésitez pas à vous demander ce qui était inscrit sur la précédente. Cela vous permettra de réactiver vos connaissances.
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