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ANNALE DU CRFPA : NOTE DE SYNTHÈSE

À partir des documents joints, vous établirez une note de synthèse sur le sujet suivant :

LE COMMERCE DE L’INFLUENCE

Liste des documents :

Document 1 : Article 25 de la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Loi dite « Sapin 2)

Document 2 : Extraits de l’ouvrage collectif Lamy Droit pénal des affaires, 2019, n° 920 ets.

Document 3 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Tristan Girard- Gaymard, « Les influenceurs et le droit », Recueil Dalloz 2020, p. 92

Document 4 : Article 20 de la Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour la confiance en l’économie numérique

Document 5 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Arnaud Lecourt, « Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 », Revue trimestrielle de droit commercial, 2017, p. 101

Document 6 : Article L. 1453-1 du Code de la santé publique

Document 7 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Paul Lignières, « Les liaisons dangereuses entre les entreprises et l’État : la règlementation du lobbying, dernière étape ? », Droit Administratif n° 2, février 2018, repère 2

Document 8 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Serge Lazareff, « Déontologie et arbitrage », Gaz. Pal. 24 avril 2007, n° GP20070424001, p. 3

Document 9 : Article L. 3512-7 du Code de la santé publique

Document 10 : Arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 juillet 1997, n° 95-11837, suivi d’un extrait (sans notes de bas de page) de la note sous cet arrêt de Madame Raymonde Baillod, Revue des sociétés 1998, p.71

Document 11 : Article L. 121-3 du Code de la consommation

Document 12 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Alain Juillet et Monsieur Bruno Racoucho, « Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue », Revue internationale d’intelligence économique 2012/1 {Vol 4), p. 87

Document 13 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Philippe Portier, « L’avocat lobbyiste, quelles perspectives ? », La Semaine Juridique Edition Générale n° 43, 20 octobre 2014, 1096

Document 14 : Réponse ministérielle, Journal Officiel, 4 décembre 2018, p. 11236

Document 15 : Arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 octobre 2017, n° 16-83724

Document 16 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Madame Tifany Labatut, « Médias sociaux – L’achat numérique d’abonnés, de likes, de vues ou de commentaires est- il légal ? », LPA 18 oct. 2019, n° 148h7, p. 10

Document 17 : Article 434-15 du Code pénal

Document 18 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Laurent Carrié, « Contrats d’image de personnes », JurisClasseur Communication, Fasc. 320, 2018

Document 19: Article de Madame Fleur Jourdan, « Représentants d’intérêts : bilan des premières déclarations », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 24, 18 Juin 2018, act. 514

Document 20 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Madame Laura Boulet et Madame Laureline Frossard, « Communication publicitaire digitale et influenceurs : organiser l’identification du caractère commercial », Communication Commerce électronique n° 11, novembre 2018, 17

Document 21 : Article L. 121-4, 11° du Code de la consommation

Document 22 : Extraits de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 novembre 2019, n° 18-12817

DOCUMENT 1 : Article 25 de la Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Loi dite « Sapin 2)

l.-Après la section 3 du chapitre ler de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, est insérée une section 3 bis ainsi rédigée :

« Section 3 bis « De la transparence des rapports entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics

« Art. 18-1.-Un répertoire numérique assure l’information des citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics.

« Ce répertoire est rendu publie par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Cette publication s’effectue dans un format ouvert librement utilisable et exploitable par un système de traitement automatisé, dans les conditions prévues au titre II du livre Il! du code des relations entre le public et l’administration.

« Ce répertoire fait état, pour chaque représentant d’intérêts, des informations communiquées en application de l’article 18-3 de la présente loi. Il est commun à la Haute Autorité, pour la mise en œuvre des règles prévues à la sous-section 2, ainsi qu’à l’Assemblée nationale et au  Sénat pour la mise en œuvre des règles déterminées sur le fondement de la sous-section 1 de la présente section. »

« Art. 18-2.-Sont des représentants d’intérêts, au sens de la présente section, les personnes morales de droit privé, les établissements publics ou groupements publics exerçant une activité industrielle et commerciale, les organismes mentionnés au chapitre ler du titre ler du livre VII du code de commerce et au titre Il du code de l’artisanat, dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d’influer sur la décision publique, notamment sur le contenu d’une loi ou d’un acte réglementaire en entrant en communication avec :

« 1° Un membre du Gouvernement, ou un membre de cabinet ministériel ;

« 2° Un député, un sénateur, un collaborateur du Président de l’Assemblée nationale où du Président du Sénat, d’un député, d’un sénateur où d’un groupe parlementaire, ainsi qu’avec les agents des services des assemblées parlementaires ;

« 3° Un collaborateur du Président de la République ;

« 4° Le directeur général, le secrétaire général, ou leur adjoint, ou un membre du collège ou d’une commission investie d’un pouvoir de sanction d’une autorité administrative indépendante ou d’une autorité publique indépendante mentionnée au 6° du 1 de l’article 11 de la présente loi ;

« 5° Une personne titulaire d’un emploi ou d’une fonction mentionné au 7° du même |:

« 6° Une personne titulaire d’une fonction ou d’un mandat mentionné aux 2°, 3° ou 8° dudit |.

« 7° Un agent public occupant un emploi mentionné par le décret en Conseil d’Etat prévu au | de l’article 25 quinquies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

 Sont également des représentants d’intérêts, au sens de ia présente section, les personnes physiques qui ne sont pas employées par une personne morale mentionnée au premier alinéa du présent article et qui exercent à titre individuel une activité professionnelle répondant aux conditions fixées au même premier alinéa.

 Ne sont pas des représentants d’intérêts au sens de la présente section :
 a) Les élus, dans l’exercice de leur mandat ;

 b) Les partis et groupements politiques, dans le cadre de leur mission prévue à l’article 4 de la Constitution ;

 c) Les organisations syndicales de fonctionnaires et, dans le cadre de la négociation prévue à l’article L. 1 du code du travail, les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelies d’employeurs ;

 d) Les associations à objet cultuel, dans leurs relations avec le ministre et les services ministériels chargés des cultes ;

 e) Les associations représentatives des élus dans l’exercice des missions prévues dans leurs statuts.

  • Art. 18-3.-Tout représentant d’intérêts communique à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, par l’intermédiaire d’un téléservice, les informations suivantes :

1° Son identité, lorsqu’il s’agit d’une personne physique, ou celle de ses dirigeants et des personnes physiques chargées des activités de représentation d’intérêts en son sein, lorsqu’il s’agit d’une personne morale ;

2° Le champ de ses activités de représentation d’intérêts ;

3° Les actions relevant du champ de la représentation d’intérêts menées auprès des personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article 18-2, en précisant le montant des dépenses liées à ces actions durant l’année précédente ;

 4° Le nombre de personnes qu’il emploie dans l’accomplissement de sa mission de représentation d’intérêts et, le cas échéant, son chiffre d’affaires de l’année précédente ;

5° Les organisations professionnelles ou syndicales ou les associations en lien avec les intérêts représentés auxquelles il appartient.

Toute personne exerçant, pour le compte de tiers, une activité de représentation d’intérêts au sens du même article 18-2 communique en outre à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’identité de ces tiers.

Un décret en Conseil d’Etat, pris après un avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, précise :

 a) Le rythme et les modalités des communications prévues au présent article ainsi que les
conditions de publication des informations correspondantes ;

b) Les modalités de présentation des activités du représentant d’intérêts.

 Sous-section 1

Détermination et mise en œuvre des règles applicables aux assemblées parlementaires

  • Art. 18-4.-Les règles applicables aux représentants d’intérêts au sein de chaque assemblée parlementaire sont déterminées et mises en œuvre dans le respect des conditions fixées à l’article 4 quinquies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.

 Sous-section 2

« Règles applicables aux autorités gouvernementales et administratives et aux collectivités locales

  • Art. 18-5.-Les représentants d’intérêts exercent leur activité avec probité et intégrité. Îls sont tenus de :

1° Déclarer leur identité, l’organisme pour lequel ils travaillent et les intérêts ou entités qu’ils représentent dans leurs relations avec les personnes mentionnées aux 1° et 3° à 7° de l’article 18-2 ;

2° S’abstenir de proposer ou de remettre à ces personnes des présents, dons ou avantages quelconques d’une valeur significative ;

3° S’abstenir de toute incitation à l’égard de ces personnes à enfreindre les règles déontologiques qui leur sont applicables ;

 4° S’abstenir de toute démarche auprès de ces personnes en vue d’obtenir des informations ou des décisions par des moyens frauduleux ;

 5° S’abstenir d’obtenir ou d’essayer d’obtenir des informations ou décisions en communiquant délibérément à ces personnes des informations erronées où en recourant à des manœuvres destinées à les tromper ;

 6° S’abstenir d’organiser des colloques, manifestations où réunions, dans lesquels les modalités de prise de parole par les personnes mentionnées aux 1° et 3° à 7° de l’article 18-2 sont liées au versement d’une rémunération sous quelque forme que ce soit ;

7° S’abstenir d’utiliser, à des fins commerciales ou publicitaires, les informations obtenues auprès des personnes mentionnées aux 1° et 3° à 7° de l’article 18-2 :

 8° S’abstenir de vendre à des tiers des copies de documents provenant du Gouvernement, d’une autorité administrative ou publique indépendante ou d’utiliser du papier à en-tête ainsi que le logo de ces autorités publiques et de ces organes administratifs ;

9° S’attacher à respecter l’ensemble des règles prévues aux 1° à 8° du présent article dans leurs rapports avec l’entourage direct des personnes exerçant les fonctions mentionnées aux 1° et 3° à 7° de l’article 18-2.

Les présentes dispositions peuvent être précisées au sein d’un code de déontologie des représentants d’intérêts défini par décret en Conseil d’Etat, pris après un avis public de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 Art. 18-6.-La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’assure du respect des
articles 18-3 et 18-5 par les représentants d’intérêts.

Elle peut se faire communiquer, sur pièce, par les représentants d’intérêts, toute information ou tout document nécessaire à l’exercice de sa mission, sans que le secret professionnel puisse lui être opposé.

 Elle peut également procéder à des vérifications sur place dans les locaux professionnels des représentants d’intérêts, sur autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Paris, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat.

La Haute Autorité protège la confidentialité des informations et documents auxquels elle a accès pour l’exercice de sa mission, à l’exception des informations et documents dont la publication est prévue à la présente section.

La Haute Autorité peut être saisie :

1° Par les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article 18-2 sur la qualification à donner, au regard du même article 18-2, à l’activité d’une personne physique ou d’une personne morale mentionnée aux premier et neuvième alinéas dudit article 18-2 ;

2° Par les personnes qui y Sont assujetties sur le respect des obligations déontologiques déterminées en application de l’article 18-5.

 La Haute Autorité ou, par délégation, son président rend son avis dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Ce délai peut être prolongé de deux mois par décision de son président, après qu’il a informé l’auteur de la saisine.

 Elle peut également être saisie par l’une des associations agréées par elle dans les conditions prévues à l’article 20.

Art. 18-7.-Lorsque la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique constate, de sa propre initiative ou à la suite d’un signalement, un manquement aux règles prévues aux articles 18-3 et 18-5, elle :

1° Adresse au représentant d’intérêts concerné une mise en demeure, qu’elle peut rendre publique, de respecter les obligations auxquelles il est assujetti, après l’avoir mis en état de présenter ses observations ;

 2° Avise la personne entrant dans le champ des 1° et 3° à 7° de l’article 18-2 qui aurait répondu favorablement à une sollicitation effectuée par un représentant d’intérêts mentionné au 1° du présent article et, le cas échéant, lui adresse des observations, sans les rendre publiques.

 Art. 18-8.-Un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, fixe les modalités d’application de la présente sous-section.

Sous-section 3

 Sanctions pénales

  • Art. 18-9.-Le fait, pour un représentant d’intérêts, de ne pas communiquer, de sa propre initiative ou à la demande de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, les informations qu’il est tenu de communiquer à cette dernière en application de l’article 18-3 est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
  • Art. 18-10.-Le fait, pour un représentant d’intérêts auquel la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique a préalablement adressé, en application de l’article 18-7, une mise en demeure de respecter les obligations déontologiques prévues à l’article 18-5, de méconnaître à nouveau, dans les trois années suivantes, la même obligation est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.

[Dispositions déclarées non conformes à la Constitution par la décision du Conseil constitutionnel n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016.]

DOCUMENT 2 : Extraits de l’ouvrage collectif Lamy Droit pénal des affaires, 2019, n° 920 ets.

920 Trafic d’influence passif

Le « trafic d’influence passif » est commis soit par une personne exerçant une fonction publique, soit aussi par une personne privée, qui se prévaut d’une influence réelle ou supposée et qui sollicite ou accepte des dons, offres ou promesses, en vue de faire obtenir au remettant des avantages ou faveurs de toute sorte, dont les pouvoirs publics sont prétendument les dispensateurs.

921 Trafic d’influence actif

Le « trafic d’influence actif » est le fait d’un tiers, qui offre une rémunération, soit à une personne exerçant une fonction publique, soit à un simple particulier, qu’il croit posséder une influence sur les pouvoirs publics, en vue d’obtenir de ces derniers des avantages ou des faveurs.

Il convient ici de ne pas confondre ce délit avec le délit de passation irrégulière de marché public (ancien délit de favoritisme) prévu à l’article 432-14 du code pénal et qui ne vise que les « interventions » illégales réalisées dans le but d’éluder les dispositions impératives d’attribution de marchés publics au bénéfice de l’attributaire du marché.

922 Qualité de l’auteur du trafic d’influence

La qualité de l’auteur de l’infraction diffère selon le texte concerné, la distinction entre le caractère actif et passif du délit étant insuffisante pour expliquer la différence entre la qualité requise des auteurs.

Ainsi, dans le cadre du trafic d’influence visé à l’article 483-2 du code pénal, seul le simple particulier est visé par l’infraction, qu’il agisse à l’occasion d’un trafic d’influence par lequel il sollicite où agrée des offres, promesses ou dons en vue d’user de l’influence qu’il est censé posséder (C. pén., art. 433-2, al. 1er), ou bien soit qu’il cède aux sollicitations ou aux demandes qui lui sont faites, ou bien encore qu’il propose lui-même à un tiers d’user de son
influence (C. pén., art. 433-2, al. 2).

Le simpie particulier peut donc être à la fois poursuivi pour avoir été « corrupteur » où « corrompu ». Si ces termes sont impropres pour le délit de trafic d’influence, ils ont l’intérêt d’illustrer plus clairement les textes du Code.

(.)

925 Notion d’« influence »

Dans le délit de corruption, le corrompu monnaye l’accomplissement d’un acte de sa fonction, ou d’un acte facilité par elle. Dans le domaine du trafic d’influence, la personne coupable ne se place pas dans le cadre de sa fonction, mais en dehors : elle use ou abuse du crédit qu’elle possède, ou qu’elle croit posséder, du fait de sa position, dans la société ou l’administration, du fait aussi des relations d’amitié qu’elle a pu nouer avec d’autres personnes, ou des liens de collaboration qui se sont tissés entre elle et les fonctionnaires d’autres services publics (Vitu À., J.-CI. Pénal, Fasc. 10, art. 432-11).

Le coupable trafique non de sa fonction, mais de sa qualité (Garraud R., Traité théorique et pratique du droit pénal français, Sirey, t. IV, nos 1526 et 1527).

()

Enfin, il y a lieu de souligner que l’influence dont se prévaut l’intermédiaire peut être réelle ou seulement supposée. Ainsi est également poursuivi le crédit imaginaire des prévenus, ce qui peut quelquefois aboutir à des difficultés dans la qualification de certains faits entre les délits de trafic d’influence et d’escroquerie.

DOCUMENT 3 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Tristan
Girard-Gaymard, « Les influenceurs et le droit », Recueil Dalloz 2020, p. 92

(….)

L’influenceur est un intermédiaire entre une entreprise et la communauté des consommateurs, il est en ce sens chargé de créer un lien entre l’entreprise commanditaire et le public. Mais de quelle intermédiation s’agit-il ? Quelle est la nature de la relation que l’influenceur entretient avec l’entreprise qui fait appel à lui ?

Tout d’abord, l’influenceur est-il un salarié ? Autrement dit, existe-t-il une relation de travail entre l’influenceur et l’entreprise qui fait appel à lui ? L’on connaît l’enjeu de la qualification de contrat de travail. Le code du travail, pour épais qu’il soit, ne définit pas le contrat de travail, mais la jurisprudence le définit comme le contrat au terme duquel une personne s’engage à accomplir une prestation de travail pour le compte et sous l’autorité d’une autre, qui consent à lui verser une rémunération. L’influenceur accomplit-il une prestation de travail ?

(-)

S’il existe un point d’achoppement de ce raisonnement en faveur de la qualification de contrat de travail, il faut principalement le situer au regard de l’état de subordination de l’influenceur. Ce critère est d’ailleurs historiquement le plus pertinent pour qualifier la relation de travail, par- delà l’état de dépendance économique. Un salarié n’est salarié que parce qu’il est subordonné à son employeur, c’est-à-dire lorsque le salarié reçoit des instructions destinées à déterminer les modalités d’exécution de sa prestation et que l’employeur a le pouvoir de le contrôler régulièrement et éventuellement de le sanctionner. Sur ce point, il faut relever que bien souvent l’influenceur détermine conjointement avec son cocontractant les conditions
d’exécution de sa prestation. Point d’unilatéralisme donc, qui pourrait laisser penser à une situation de dépendance juridique à l’égard de l’entreprise

()

Au-delà de ces quelques interrogations, il y a deux hypothèses qui emportent néanmoins avec certitude qualification de contrat de travail. D’une part, lorsque l’influenceur est un artiste ; d’autre part, lorsqu’il est un mannequin.

En premier lieu, lorsque le contrat entre une entreprise et un influenceur stipule que ce dernier devra, dans un premier temps, participer au tournage d’une vidéo organisée par la première et, dans un second temps, diffuser la vidéo sur ses réseaux sociaux, le contrat sera qualifié de contrat d’artiste, la liste de ces contrats n’étant pas limitative. Si l’influenceur interprète un rôle, il pourra être qualifié d’artiste-interprète. Le contrat sera alors qualifié de contrat de travail. En effet, il est prévu à l’article L. 7121-3 du code du travail que tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas
l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

En second lieu, et s’agissant de l’activité de mannequin, l’article L. 7123-2 du code du travail définit celle-ci comme celle consistant, même à titre occasionnel, soit à présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ; soit à poser comme modèle, avec ou sans Utilisation ultérieure de son image.

L’activité de l’influenceur correspond souvent à la définition de l’activité de mannequin posée par le code du travail, notamment lorsque le contrat entre l’entreprise et l’influenceur prévoit que ce dernier devra effectuer des séances de prise de vué et que les photographies seront publiées sur les réseaux sociaux de l’influenceur. Le contrat sera alors présumé être un contrat de travail, en vertu de l’article L. 7123-3 du code du travail.

Si l’influenceur n’est qu’un prestataire de services se pose la question de son statut d’intermédiaire économique. Une première impression apparaît immédiatement lorsque l’on cherche à quel intermédiaire l’influenceur pourrait être assimilé. Sa situation originale l’éloigne des statuts légaux bien connus, au premier rang desquels l’on trouve l’agent commercial et le représentant de commerce. L’influenceur n’a pas de fonction de représentation commerciale
auprès du public, en ce sens qu’il n’entretient aucun lien direct avec lui. | ne prend aucun ordre d’une quelconque clientèle. L’influenceur serait-il alors un courtier ? Il est vrai que, par certains aspects, l’influenceur se rapproche du courtier en ce qu’il met en relation le public avec l’entreprise donneuse d’ordres. En promouvant ses produits ou ses services, l’influenceur oriente les consommateurs vers l’entreprise qui les commercialise. Mais il ne s’engage pas « à tout mettre en oeuvre pour présenter au donneur d’ordres une personne susceptible et désireuse de conclure le contrat proposé ». L’influenceur est-il alors un commissionnaire ? Là encore, l’assimilation est difficile, car le commissionnaire agit pour le compte d’autrui, mais en
son nom personnel. L’influenceur est bien plus en recul que le commissionnaire, car il ne contracte pas avec le public. La réflexion bute donc sur les qualifications traditionnelles du droit de la distribution et se rapproche de celle que certains auteurs ont menée à propos d’intermédiaires économiques particuliers que sont les animateurs, démonstrateurs, démarcheurs, indicateurs, prospecteurs et visiteurs. Il fut un temps où ces intermédiaires économiques originaux se donnaient à voir à l’homme de la rue à travers les fameuses dames de l’entreprise Tupperware. Ces femmes à l’esprit d’entreprise aiguisé ne mettaient en œuvre aucun élément permanent d’une entreprise, travaillaient « sans personnel, sans moyens matériels différents de ceux utilisés pour leur vie personnelle, sans investissement intellectuel ou financier, sans compétence préalable ». Les influenceurs seraient-ils les nouvelles dames Tupperware ? Incontestablement, les animatrices Tupperware se rapprochent des influenceurs, à la différence près que ces derniers n’entrent pas en contact avec la clientèle.

(.)

Lorsque l’influence a été achetée, elle change de nature pour devenir une prestation intéressée, déterminée en partie par un tiers, le donneur d’ordres, et cette détermination doit alors être révélée au public.

Quid juris à présent ? Commençons par évoquer l’intéressante approche américaine qui, comme souvent, est une approche de droit souple. La Federal Trade Commission (FTC), autorité de concurrence, a émis des lignes directrices relatives à l’activité d’influenceur. Naturellement, la FTC envisage l’épineuse question du montant de la rémunération de l’influenceur, quelle que soit au demeurant sa nature. Faut-il distinguer selon que l’influenceur a été amplement ou maigrement rémunéré pour sa prestation ? A priori, l’on serait tenté d’affirmer que la transparence devrait être proportionnelle à la rémunération reçue. Mais la FTC ne raisonne pas ainsi et invite les influenceurs à se poser eux-mêmes la question, qui se résume en termes de probabilité : ou bien leur rémunération n’affectera raisonnablement pas l’opinion du public relative à la crédibilité de l’influenceur, ou bien, au contraire, ce dernier sera discrédité aux yeux de son audience et il devra alors révéler au public l’existence d’une opération promotionnelle. La révélation est donc laissée à l’appréciation de l’influenceur lui- même.

La Competition and Markets Authority (CMA) anglaise adopte la même approche et encourage à une forme de say on pay : « say when you’ve been paid » indique l’autorité, quelle que soit la nature de cette rémunération. La CMA invite également à révéler la nature des liens qui unissent un influenceur à son entreprise donneuse d’ordres. Par exemple, lorsqu’un influenceur communique à son réseau un code de réduction, il doit indiquer la nature promotionnelle de cette opération. La CMA justifie cette obligation de révélation de façon très intéressante, en avançant une justification qui résume probablement, à elle seule, les enjeux de la révélation du partenariat conclu avec un influenceur : l’on ne saurait se faire passer pour un particulier, consommateur moyen, donnant des conseils d’achat certes subjectifs, mais guidés par des goûts personnels, lorsqu’en réalité l’influence est l’objet d’une prestation contractuelle.

Quelle est la position du droit français ? L’ordre juridique adopte une approche mixte fondée sur le droit souple, mais également sur le droit dur. Les activités publicitaires relèvent d’une autorité de régulation qui n’en est pas une puisqu’elle est juridiquement une association : l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). Cet organisme a émis des recommandations le 7 juin 2017 concernant l’activité des influenceurs. L’ARPP recommande la révélation du partenariat existant entre un influenceur et une entreprise. La prestation d’influence doit donc être ostensible, en ce sens que ses destinataires doivent être informés que le message qui leur est adressé a fait l’objet d’une collaboration entre un annonceur et l’influenceur. L’influenceur devra donc indiquer clairement que le contenu visionné a été sponsorisé par une entreprise. De plus, l’information sur l’existence de l’influence doit être instantanée, en ce sens qu’elle doit être immédiatement visible par ses destinataires.

Qu’en est-il du droit dur ? Il faut, d’abord, saluer le pragmatisme de la jurisprudence qui n’hésite pas à regarder les réseaux sociaux comme un canal de publicité, y compris d’ailleurs lorsque l’information publicitaire est relayée par des particuliers. La question s’est posée dans un arrêt de la première chambre civile du 3 juillet 2013 qui concernait l’entreprise Ricard. Celle-ci avait organisé une campagne publicitaire sur le réseau Facebook. Via une application téléchargée sur le compte Facebook, les utilisateurs pouvaient partager avec leur réseau d’amis Facebook une recette de cocktail au pastis en cliquant sur le bouton « partager sur mon mur ». Le message adressé aux amis Facebook promouvait systématiquement la recette partagée ainsi que l’application Ricard. Assignée par une association de lutte contre l’alcoolisme en cessation de cette campagne publicitaire, Ricard se défendait en invoquant le fait que le message diffusé par F’uillisateur n’était pas une publicité. Ce ne fut pas l’avis de la Cour de cassation qui approuva les juges du fond d’avoir décidé que le message « relayé par l’intervention d’un internaute à l’intention de son réseau d’amis ne lui faisait pas perdre son caractère publicitaire ».

DOCUMENT 4 : Article 20 de la Loi n°2008-3 du 3 janvier 2008 pour la confiance en l’économie numérique Toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication
au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle. Elle doit rendre clairement identifiable la personne physique ou morale pour le compte de laquelle elle est
réalisée.

L’alinéa précédent s’applique sans préjudice des dispositions réprimant les pratiques commerciales trompeuses prévues à l’article L. 121-1 du code de la consommation.

DOCUMENT 5 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Arnaud Lecourt, « Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2 », Revue trimestrielle de droit commercial, 2017, p. 101

(….) La loi Sapin 2 ambitionne de renforcer la lutte contre la corruption et l’évasion fiscale en soumettant les grandes sociétés – sans condition de cotation et peu important leur forme juridique – à l’obligation d’instaurer en interne un programme de lutte contre la corruption à compter du 1er juin 2017. Ce programme recouvre différents aspects qu’il convient de développer.

À compter du 1er juin 2017, les sociétés de grande taille (chiffre d’affaires consolidé ou non supérieur à 100 millions d’euros, emploi d’au moins 500 salariés directement où par le biais
d’un groupe dont l’effectif dépasse les 500 salariés et dont la mère a son siège social en France) auront l’obligation de prendre des mesures en interne destinées à prévenir et à détecter, en France ou à l’étranger, les faits de corruption ou de trafic d’influence.

(..)

A – Mesures

La loi envisage sept grandes mesures que devront assumer les sociétés de grande taille, ie. qui atteignent les seuils précités :

– établir un code de bonne conduite qui définit et illustre les différents comportements de nature à caractériser des faits de corruption ou de trafic d’influence ;

– mettre en place un mécanisme d’alerte interne pour recueillir les signalements émanant des salariés et relatifs à des comportements contraires au code de conduite (v. infra les lanceurs d’alerte) ;

– établir une cartographie des risques sous la forme d’une documentation actualisée périodiquement et qui présente une hiérarchie des risques d’exposition de la société à des sollicitations externes aux fins de corruption ;

(-)

B – Sanctions

La sanction des manquements à ces obligations nouvelles de probité repose sur l’Agence française anticorruption. C’est elle qui devra s’assurer du respect des mesures et, en cas de manquement constaté, et après avoir permis à l’auteur du manquement de présenter ses observations, pourra adresser un avertissement aux représentants légaux de la société. Cette agence est dotée d’une commission des sanctions ; elle peut faire appel à des experts qualifiés pour l’assister dans la réalisation d’analyses juridiques, financières, fiscales et comptables. Cet organe pourra enjoindre à la société et à ses représentants d’adapter les procédures selon les recommandations qu’elle lui adressera et dans un délai qu’elle fixera, mais qui ne pourra excéder trois ans. L’agence pourra enfin condamner la société et ses dirigeants au versement d’une somme ne pouvant excéder un million d’euros (200 000 € pour le dirigeant) ; l’amende est proportionnée à la gravité du manquement et à la situation financière de la personne physique ou morale sanctionnée.

(…)

À côté de ce pouvoir de sanction « administratif », la loi Sapin 2 instaure la possibilité pour le juge pénal de prononcer, à l’encontre des sociétés reconnues coupables de corruption (active ou passive), trafic d’influence et délits assimilés, l’obligation de se soumettre, sous le contrôle de l’Agence française anticorruption, à un programme de « mise en conformité » pour assurer la mise en oeuvre de diverses mesures de prévention et de détection de faits de corruption
(C. pén., nouv. art. 131-39-2). Cette mise sous « tutelle » de la société est étonnante ; les frais occasionnés par le recours à des experts ou à tout autre intervenant seront supportés par la société, sans que leur montant ne puisse cependant excéder le montant de l’amende encourue pour les infractions qui ont donné lieu au programme de « mise en conformité » (C. pén., nouv. art. 131-39-2, 111). Les organes ou les représentants légaux de la société condamnée à cettepeine qui s’abstiendront de prendre les mesures nécessaires ou feront obstacle à la bonne exécution des obligations qui en résultent encourront une peine de deux ans d’emprisonnement et de 50 000 € d’amende (C. pén., nouv. art. 434-43-1).

(.)

DOCUMENT 6 : Article L. 1453-1 du Code de la santé publique

Article L1453-1

|. Les entreprises produisant ou commercialisant des produits mentionnés au Il de l’article L. 5311-1 à l’exception de ceux mentionnés aux 14°, 15° et 17° où assurant des prestations associées à ces produits sont tenues de rendre publics, sur un site internet public unique, l’objet précis, la date, le bénéficiaire direct et le bénéficiaire final, et le montant des conventions qu’elles concluent avec :

1° Les professionnels de santé relevant de la quatrième partie du présent code ;
2° Les associations de professionnels de santé ;

3° Les étudiants se destinant aux professions relevant de la quatrième partie du présent code ainsi que les associations et groupements les représentant ;

4° Les associations d’usagers du système de santé ;
5° Les établissements de santé relevant de la sixième partie du présent code ;

6° Les académies, les fondations, les sociétés savantes et les sociétés ou organismes de conseil intervenant dans le secteur des produits ou prestations mentionnés au premier alinéa ;

7° Les personnes morales éditrices de presse, de services de radio ou de télévision et de services de communication au public en ligne ;

7° bis Les personnes qui, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, présentent un ou plusieurs produits de santé, de manière à influencer le public ;

8° Les éditeurs de logiciels d’aide à la prescription et à la délivrance ;

9° Les personnes morales assurant où participant à la formation initiale ou continue ou au développement professionnel continu des professionnels de santé mentionnés au 1° du présent |.

DOCUMENT 7 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Paul Lignières, « Les liaisons dangereuses entre les entreprises et l’État : la règlementation du lobbying, dernière étape ? », Droit Administratif n° 2, février 2018, repère 2

(-)

L’adoption du Code des relations entre le public et l’administration en 2015 a été une évolution tardive mais nécessaire dans la recherche de la transparence du processus d’adoption des décisions publiques. Toutefois, la question du lobbying n’avait pas été abordée malgré l’impérieuse nécessité qui était déjà évidente et réclamée (V. notre article, Lobbying : sortir du déni de réalité : Les Echos, 17 nov. 2014 et notre contribution, La procédure administrative non contentieuse, un droit pour rétablir la confiance entre les citoyens et l’administration, in Droit comparé de la procédure administrative, ss la dir. de Jean-Bernard Auby : Bruylant, 2016).

La raison est que ce concept et celui des conflits d’intérêts ont longtemps fait l’objet d’un déni au sein de l’État qui les considérait comme des concepts anglo-saxons ne devant pas polluer notre haute conception française de la chose publique. L’État placé sur un piédestal au-dessus des individus et des groupes est seul censé incarner un intérêt général qui transcenderait les intérêts particuliers ; le processus d’adoption de la décision publique ne devrait pas être pollué par la manifestation de volontés individuelles. C’était l’ère du déni.

Le lobbying s’est alors naturellement développé dans l’ombre et le secret. Les « déjeuners discrets » organisés par des « connaissances communes », les « visiteurs du soir », la connivence entretenue entre les pouvoirs publics et les décideurs privés comme « l’entre-soi corporatiste d’une haute fonction publique qui se partage encore trop les postes de pouvoir », alimentent toutes les méfiances et révèlent une vraie faiblesse démocratique (Th. Chopin et Ch. Lequesne, M. Macron a créé un espoir chez ceux qui croient aux bienfaits de la société ouverte : Le Monde, 28 déc. 2017, p. 21). Un rapport de Transparency International attribuait une note de 2,7 sur 10 à la France pour sa capacité à assurer un lobbying intègre et transparent (un tableau de la réalité du lobbying en France : Transparence et intégrité du lobbying, un enjeu de démocratie, 2014). Ont été également dénoncées les influences opaques sur les décisions publiques que peuvent avoir certains consultants et avocats anciens
hauts fonctionnaires qui ont opté pour le pantouflage (P. France, A. Vauchez, Sphère publique, intérêts privés. Enquête sur un grand brouillage : Les Presses de Sciences Po, 2017). Les directions des administrations centrales et les cabinets ministériels fonctionnent en effet de façon très opaque : il est en pratique nécessaire de connaître quelqu’un pour pouvoir y avoir accès. En ce sens, les entreprises, les cabinets d’avocats ou de consultants recrutent
quasiment toujours des anciens de telle ou telle administration afin d’avoir des contacts au sein des pouvoirs publics ; lors de ces pantouflages, ce n’est donc pas la compétence qui est valorisée, mais la confusion des genres, la proximité voire le copinage. Les relations entre l’administration et la société civile sont alors essentiellement fondées sur la proximité individuelle liée à l’appartenance à tel ou tel réseau et non sur la compétence où la reconnaissance professionnelle. Cela n’est satisfaisant pour personne. Le soupçon de conflit d’intérêt est permanent.

()

C’est la loi Sapin 2 qui a imposé pour la première fois de véritables contraintes sur le sujet des représentants d’intérêts, traduction française du lobbying.

Depuis le 1er janvier 2018, les personnes ayant des activités de lobbying doivent s’inscrire et inscrire leurs entreprises sur un registre public et elles doivent publier annuellement un compte-rendu de leurs activités de lobbying. La définition retenue pour l’activité de lobbying, ou de représentant d’intérêt, est large. Et en réalité, il est très surprenant de voir que moins de 1000 entreprises étaient enregistrées au début du mois de janvier.

D’un côté, certains refuseront sans doute le principe de transparence de leurs activités d’interface avec les pouvoirs publics ; ils vont ignorer ce nouveau texte ; ils expliqueront que la loi ne leur est pas applicable et ils constitueront la liste des recettes permettant d’échapper à ces nouvelles contraintes en cherchant à respecter la règle tout en ignorant l’esprit.

D’un autre côté, les risques de sanctions en cas de contrôle, les risques de dénonciation via le nouveau mécanisme d’alerte mis en place au sein des entreprises ou encore les risque médiatiques sont tels qu’il est raisonnable de penser que quelques affaires vont voir le jour dans les prochains mois et les prochaines années.

Comme pour les conflits d’intérêts, une loi est une première étape mais ce sont les saines habitudes que doivent prendre les uns et les autres qui permettront de normaliser les relations entre les entreprises et l’État. Évoquer ce sujet avec clarté, améliorer les pratiques avec détermination permettra d’éviter des affaires médiatiques. C’est le prix à payer pour quitter le terrain de la défiance envers les pouvoirs publics, défiance si nuisible à l’économie et au climat démocratique.

DOCUMENT 8 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Serge Lazareff,
« Déontologie et arbitrage », Gaz. Pal. 24 avril 2007, n° GP20070424001, p. 3

(….)

Les cabinets anglo-saxons ont pour pratique de préparer leurs témoins, c’est-à-dire non seulement s’entretenir avec eux avant l’audience et rédiger, inspirer ou revoir leurs dépositions écrites mais, souvent, simuler l’arbitrage, des membres du cabinet jouant le rôle d’arbitres de façon à ce que le témoin soit préparé à répondre aux questions qui lui seront posées, soit par le contradicteur, soit par le tribunal lui-même. Cette pratique est courante et indiscutée.

Les IBA Rules on the Taking of Evidence in International Commercial Arbitration, auxquelles il est de plus en plus fait référence, énoncent en leur article 4.3 « It shall not be improper for a Party. its officers, employees, legal advisors or other representatives to interview its witnesses or potential witnesses» (I n’est pas inconvenant qu’une partie, sa direction, ses employés, ses conseils juridiques ou tout autre représentant s’entretienne avec ses témoins ou ses témoins
éventuels).

Dans cet esprit, le règlement de la LCIA (London Court of International Arbitration) dispose «Subject to the mandatory provisions of any applicable law, it shall not be improper for any party or its legal representatives to interview any witnesses or potential witnesses for the purpose of presenting his testimony in written form or producing him as an oral witness» (Sous réserve des dispositions impératives de la loi applicable, il n’est pas inconvenant qu’une partie ou ses représentants légaux s’entretiennent avec un témoin ou un témoin éventuel en vue de soumettre son témoignage écrit ou le faire entendre à l’audience).

Ainsi, voit-on des témoins dûment chapitrés qui paraissent répondre spontanément à des questions dont le tribunal sait pertinemment qu’elles lui ont été plus que suggérées, même si le témoin fait souvent semblant de faire un très grand effort pour chercher dans sa mémoire les éléments de réponse.

Un tribunal arbitral quelque peu expérimenté arrivera à démêler dans ces témoignages sur commande où est la vérité, bien que les techniques de cross examination, que possèdent admirablement les anglais et, peut-être à moindre degré, les américains, fassent merveille.

Dans la pratique, tous les conseils pratiquant l’arbitrage international appliquent cette façon de faire.

Or, selon certains auteurs, les avocats de nombreux pays continentaux n’ont pas cette possibilité, contraire à leur déontologie.

Cependant, si les témoins subissent, avant l’audience, des traitements différents, l’égalité entre les parties est rompue et le procès n’est plus équitable.

L’article 10 des Usages du Barreau vaudois dispose clairement que « L’avocat s’interdit de discuter avec un témoin de la déposition future de celui-ci et de l’influencer de quelque manière que ce soit; il évite toute démarche pouvant être interprétée dans ce sens».

Des dispositions similaires existent en Belgique où il semble cependant que « (…) la pratique est moins rigide et qu’on ne reprochera pas à une partie de s’assurer qu’un témoin ait vu quelque chose avant de le faire convoquer (…) ».

En droit français, aucune disposition du Règlement intérieur national de la profession d’avocat (RIN) ne semble expressément interdire aux avocats de préparer les témoins.

Cependant, dans la mesure où cette préparation est susceptible de rompre l’égalité entre les parties, il convient de se référer à l’article 5 du RIN, relatif au respect du contradictoire.

5.1 – « L’avocat se conforme aux exigences du procès équitable. Il se comporte loyalement à l’égard de la partie adverse. Il respecte les droits de la défense et le principe du
contradictoire ».

En outre, l’article 214 du NCPC dispose : « Les parties ne doivent ni interrompre, ni interpeller ni chercher à influencer les témoins qui déposent, ni s’adresser directement à eux sous peine
d’exclusion ».

Comment, dans ces conditions, concilier les restrictions que peut imposer la déontologie d’un avocat avec le principe d’égalité selon lequel les deux parties devraient avoir le même droit de préparer les témoins ?

De fait, « [cles questions ne sont pas théoriques. De nombreux arbitres internationaux auront eu l’occasion de voir des confrères de barreaux différents s’accuser de violation des usages parce que l’un avait rencontré des témoins avant l’audience tandis que l’autre se l’était interdit

(..)». Théoriquement, l’avocat français risque de se trouver en conflit avec sa déontologie. Or, il conviendrait d’éviter que se pose une fois de plus la question d’une distorsion de concurrence
entre conseils continentaux et conseils anglo-saxons, étant noté une fois de plus que les avocats parisiens pratiquant l’arbitrage commercial international ont recours aux pratiques ci- dessus décrites.

Il est donc souhaitable que, dans la droite ligne de Paris Place de droit, cette question soit résolue de telle sorte que les avocats français n’aient plus le moindre scrupule à agir ouvertement dans l’intérêt de leur client.

DOCUMENT 3 : Article L. 3512-7 du Code de la santé publique

L-Les fabricants, les importateurs et les distributeurs de produits du tabac ainsi que les intreprises, les organisations professionnelles ou les associations les représentant adressent chaque année au ministre chargé de la santé un rapport détaillant l’ensemble des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts.

IL.-Sont considérées comme des dépenses liées à des activités d’influence ou de représentation d’intérêts :

1° Les rémunérations de personnels employés en totalité ou en partie pour exercer des
activités d’influence ou de représentation d’intérêts ;

2° Les achats de prestations auprès de sociétés de conseil en activités d’influence ou de représentation d’intérêts ;

3° Les avantages en nature où en espèces, sous quelque forme que ce soit, d’une façon directe ou indirecte, dont la valeur dépasse 10 €, procurés à :

a) Des membres du Gouvernement ;

b) Des membres des cabinets ministériels ou à des collaborateurs du Président de la République ;

c) Des collaborateurs du Président de l’Assemblée nationale ou du Président du Sénat :

d) Des parlementaires ;

e) Des personnes chargées d’une mission de service public que leur mission ou la nature de leur fonction appelle à prendre ou à préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac ;

f) Des experts, personnes physiques ou morales, chargés, par convention avec une personne publique, d’une mission de conseil pour le compte d’une personne publique qui a pour mission de prendre ou de préparer les décisions et les avis des autorités publiques relatifs aux produits du tabac.

Il.-Le rapport mentionné au | indique, pour chaque entreprise tenue de l’établir :

1° Le montant total des rémunérations mentionnées au 1° du Il et le nombre des personnes concernées ; 2° Le montant total et l’identité des bénéficiaires des dépenses mentionnées au

2° duil;

3° La nature et l’identité du bénéficiaire de chaque dépense mentionnée au 3° du II.

DOCUMENT 10 : Arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 16 juillet 1997, n° 95-11837, suivi d’un extrait (sans notes de bas de page) de la note sous cet arrêt de Madame Raymonde Baillod, Revue des sociétés 1998, p.71

Vu l’article 1832 du Code civil ;

Attendu que, pour rejeter la demande de M. Lachaïze, chirurgien, en remboursement de la somme globale de 303 500 F qu’il soutenait avoir versée de 1970 à 1977 à M. Cabanie, professeur à la Faculté de médecine de Bordeaux, qui exerçait son activité libérale dans plusieurs cliniques, l’arrêt attaqué retient que la relation entre les deux praticiens s’analyse en une société de fait dans laquelle ils ont apporté respectivement l’un son industrie, l’autre son influence, leur volonté de collaborer à une « oeuvre sanitaire commune » et leur souci d’en partager les bénéfices, et que les sommes perçues par M. Cabanie de la part de M. Lachaize constituent les dividendes de la société de fait ayant existé entre eux :

Attendu qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher en quoi consistait l’influence reconnue à M. Cabanie, et si celle-ci, qui ne pourrait elle-même s’analyser que comme un apport en industrie, était licite, et sans s’expliquer sur les conditions dans lesquelles les rétrocessions versées par M. Lachaize à M. Cabanie entre 1970 et 1977, rétrocessions qui, à l’origine de 25 %, se sont progressivement réduites, étaient constitutives de la répartition d’un bénéfice social, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;

Et sur le second moyen, pris en sa première branche :

Attendu que, pour rejeter les demandes de M. Lachaize en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de clientèle et préjudice matériel, l’arrêt retient que la liberté pour un associé de se retirer de la société avec l’accord de ses cocontractants résulte de l’article 1869 du Code civil, et que ces demandes tendent à obtenir la réparation du préjudice causé par la rupture de la société de fait ;

Attendu cependant que, le raisonnement de la cour d’appel reposant sur l’existence d’une société de fait entre les deux chirurgiens, la cassation à intervenir sur le premier moyen doit également entraîner la cassation du chef du rejet des demandes précitées ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur la première branche du premier moyen, ni sur la seconde branche du second moyen : – Casse et annule, mais seulement en ce qu’il a rejeté les demandes de M. Lachaize en remboursement des sommes versées à M. Cabanie et en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de clientèle et préjudice matériel, l’arrêt rendu le 7 décembre 1994, entre les parties, par la cour d’appel de Bordeaux.

Note

La décision ci-dessus rapportée (Bull. Joly Sociétés 1997, p. 992 s., note J.-J. Daigre) révèle un litige portant sur une rétrocession d’honoraires entre médecins. Un chirurgien réclame à un professeur de médecine exerçant son activité libérale dans plusieurs cliniques le remboursement des sommes qu’il lui a versées entre 1970 et 1977. Sa demande est rejetée par la cour d’appel de Bordeaux : cette juridiction qualifie la relation entre les deux praticiens de société « de fait » dans laquelle ils ont apporté respectivement l’un son industrie (le chirurgien), l’autre son influence (le professeur de médecine), et considère les sommes perçues par le professeur comme représentant sa participation dans les dividendes sociaux.
La censure intervient au visa de l’article 1832 C. civil, pour manque de base légale.

Rarissimes sont les décisions relatives à un apport d’« influence » (V. Lyon, 18 mars 1936, DP 1938.2.49, note Pic), d’où l’intérêt de l’arrêt. L’admission de cet apport est problématique en général, et plus encore dans les relations entre membres de professions libérales.

l. – Notre droit ne connaît que trois variétés d’apport : l’apport en numéraire, l’apport en nature et l’apport en industrie. (V. art. 1832 et 1843-53 C. civil). Sauf exigences légales particulières {Il existe en effet dans certains types de sociétés, que l’on peut qualifier de sociétés d’exercice professionnel, une obligation légale de travail à la charge de chaque associé : c’est le cas dans les sociétés civiles professionnelles (loi du 29 nov. 1966), et dans les GAELC (art. L. 323-7 C. rur.), l’apport en industrie, qui est en règle générale l’apport d’une activité, pourrait-il se limiter de la part du candidat-associé à l’apport de son influence, c’est-à-dire à l’apport du capital de confiance attaché à son nom du fait de sa notoriété dans les affaires ou dans tel secteur d’activité, l’apporteur ne consacrant pas au surplus d’activité spéciale au profit de la société ? Cet apport du nom et du crédit, qualifié par certains auteurs d’apport en garantie (cf. H.

BLAISE, L’apport en société (Rec. Sirey, 1955), n° 131 s.), ne saurait s’analyser, ainsi que le relève la Cour de cassation, que comme un apport en industrie.

1.- Contre l’admission d’un tel apport, on peut avancer deux arguments :

– En premier lieu, les travaux préparatoires du Code Napoléon : lors de la discussion devant le Conseil d’Etat, la proposition d’un conseiller de mentionner dans l’article 1833 (ancien) l’apport du nom et de la réputation à côté de l’apport en industrie avait été repoussée. À l’appui de cette décision, on avait fait valoir qu’« un nom isolé de tout acte de la personne est une chose fort abstraite, au lieu que l’industrie est une chose positive à laquelle il convient de s’arrêter » (V. FENET, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil (15 vol. 1827- 1830), t. XIV, p. 359 &.).

– En second lieu, le libellé de l’actuel article 1843-3, dernier alinéa, du Code civil : il donne à
penser que seule une activité peut être constitutive d’un apport en industrie.

2. – I reste néanmoins que le contenu de l’apport en industrie intéresse essentiellement les rapports entre associés puisque cet apport ne concourt pas à la formation du capital social (art. 1843-2, al. 2 C. civ.). Les associés sont en principe les meilleurs juges du service rendu à la société par telle ou telle prestation à attendre de l’un d’eux. L’apport d’« influence » peut présenter un intérêt économique incontestable pour une société dès lors qu’il est de nature à faciliter effectivement ses relations d’affaires et par suite la réalisation des objectifs sociaux. Pour cette raison on le considère assez souvent comme une mise sociale suffisant à faire acquérir la qualité d’associé à celui qui procure un tel avantage à la société (V. PIC, Des sociétés commerciales (2e éd. 1925-1926), t. 1, n° 21. HOUPIN et BOSVIEUX, Traité général théorique et pratique des sociétés civiles et commerciales et des associations, 7e éd. (1935), t. 1, n° 87. ESCARRA et RAULT, Traité théorique et pratique de droit commercial, t. 1 : Les sociétés commerciales (1950), n° 97). H. BLAISE, op. cit., n° 131. R. BAILLOD, L’apport en industrie, thèse dactyl. Toulouse 1980, n° 31 s. Y. GUYON, Dr. affaires, t. |, 8e éd. (1994), n°
107). Mais les partisans de l’admission d’un tel apport la subordonnent à certaines limites :

– Tout d’abord, l’apport du nom et du crédit ne se conçoit que de la part de personnes bénéficiant d’une large notoriété dans le secteur considéré : l’« apport » consisterait en la différence qui existe au plan de l’influence entre un associé « ordinaire » et un associé « exceptionnel ».

– Ensuite, il faut évidemment réserver les hypothèses d’exploitation illicite de son influence, comme par exemple le trafic d’influence {V. par ex. Y. GUYON, op. cit., n° 107).

La première chambre civile de la Cour de cassation dans le présent arrêt entérine au demeurant ce point de vue : elle reproche notamment à la cour d’appel de n’avoir pas recherché en quoi consistait l’influence reconnue au professeur de médecine et si celle-ci était licite.

(.)

DOCUMENT 11 : Article L. 121-3 du Code de la consommation

Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l’entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Lorsque le moyen de communication utilisé impose des limites d’espace ou de temps, il y a lieu, pour apprécier si des informations substantielles ont été omises, de tenir compte de ces limites ainsi que de toute mesure prise par le professionnel pour mettre ces informations à la disposition du consommateur par d’autres moyens.

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l’achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien où du service :
2° L’adresse et l’identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s’ils ne peuvent être établis à l’avance ;

4° Les modalités de paiement, de livraison, d’exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu’elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d’activité professionnelle concerné ;

5° L’existence d’un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi.

DOCUMENT 12 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Alain Juillet et Monsieur Bruno Racoucho, « Les stratégies d’influence ou la liberté de l’esprit face à la pensée convenue », Revue internationale d’intelligence économique 2012/1 (Vol 4), p. 87

Il est évident que la pensée convenue n’est qu’un élément de façade d’une pensée unique, synthétisant les courants de la pensée convenue qu’elle surplombe, qui n’ose pas se révéler sous ses vrais traits. Confrontés à cet assujettissement de la pensée qui nous condamne à ne plus percevoir le monde correctement – autrement dit tel qu’il est, dans sa réalité et sa complexité – il est urgent et même vital d’agir. Or, de par sa nature même, l’influence s’impose ici — sous sa forme positive ou négative — comme le recours idoine. Ce n’est guère surprenant quand on sait que la valeur et la raison d’être de l’influence, c’est la capacité à afficher un critère de différenciation par rapport à ce qui est perçu d’ordinaire.

C’est justement parce que sa mécanique intime se déploie dans le domaine de la pensée et qu’elle se trouve au cœur des enjeux de pouvoir d’aujourd’hui que l’influence et ses modes de fonctionnement méritent d’être étudiés de près. Pour François-Bernard Huyghe, « l’influence est à la fois une faculté psychologique (être capable de séduire, de provoquer le mimétisme ou la complicité, etc.) ; une catégorie sociologique (l’influence des médias, des intellectuels, des groupes de pression ou des églises est un fait social qui demande explication) ; et enfin une forme politique (sous influence, les hommes agissent de la manière souhaitée par un personnage dominant} ». Et, précisant sa pensée, il ajoute : « l’influence se substitue à la force, aux contreparties, aux contraintes ou contrats, lorsqu’il s’agit de faire faire ou de faire croire. Elle déplace le centre de gravité du pouvoir. Ainsi, celui qui exerce de l’influence sur l’opinion obtient une part hors norme de pouvoir […] L’influence s’exerce de manière d’autant plus énigmatique qu’à la multiplicité des pratiques s’ajoute celle des théories censées les répertorier. Et depuis bien longtemps. En astrologie, d’où le mot tire son étymologie, la notion est d’abord liée à la croyance en l’influence des astres : l’influx, liquide invisible (fluxus), était censé s’écouler des planètes pour changer notre destin. influencer, c’est changer le destin ».

De fait, l’influence est aujourd’hui un élément essentiel dans les confrontations de tous ordres. Comme l’écrit Éric Delbecque, c’est devenu « /a pointe de diamant de l’intelligence économique ». Son changement de statut consacrant le passage d’un monde à l’autre, elle permet d’éviter la coercition pour laisser place aux jeux de l’esprit. « Dans le passé, les canons établissaient le classement des nations. Les stratégies d’influence accompagnaient seulement de manière périphérique les mouvements essentiels parcourant l’échiquier militaire. À notre époque, la situation s’est totalement inversée : les stratégies d’influence expriment et structurent les affrontements d’acteurs dans l’ensemble des sphères de compétition entre les collectivités humaines, les modèles culturels et les organisations privées ». Et Éric Delbecque de conclure : « {f faut apprendre à reconnaître les logiques d’influence pour comprendre la nature de la puissance et des pouvoirs d’aujourd’hui ».

Il y a donc bel et bien une face lumineuse de l’influence et c’est celle-ci qu’il convient de mettre en avant. Mais ceci est rendu difficile par la perception aux connotations négatives de l’influence par nos concitoyens. Nous sommes face à un double obstacle d’ordre sémantique. D’abord le droit français utilise ce mot en l’associant au « trafic d’influence » et à toutes sortes d’activités illégales (François, 2004). Ensuite, nos contemporains ont trop souvent en tête lhéritage de la Guerre froide, avec des mots adoptés comme synonymes : désinformation, manipulation, propagande grise ou noire, etc. De même Psyops (opérations psychologiques) et opérations de déception renvoient également bien souvent dans l’acception anglo-saxonne du terme à des actions négatives, qui visent à faire prendre à l’adversaire des décisions non-conformes à ses intérêts (Vandomme, 2010).

DOCUMENT 13 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Maître Philippe Portier, « L’avocat lobbyiste, quelles perspectives ? », La Semaine Juridique Edition Générale n° 43, 20 octobre 2014, 1096

L’activité de conseil en affaires publiques (ou lobbying) est pratiquée de longue date par les avocats dans les sociétés anglo-saxonnes, rompues au dialogue entre la société civile et les pouvoirs publics, ainsi que devant les institutions européennes, également ouvertes à cette culture « participative ». Le centralisme jacobin qui marque notre fonctionnement institutionnel laissait traditionnellement peu de place à cette forme de gouvernance politique, mais un grand nombre de facteurs contribuent depuis quelques années à faire évoluer la donne. Le rôle, l’expérience, les compétences, la méthodologie des avocats les amènent et les amèneront donc de plus en plus à intégrer dans leurs stratégies de dossiers et plus généralement dans leurs palettes de services, un rôle de représentation de leurs clients auprès des producteurs de normes, générales ou individuelles, locales, nationales ou supranationales. L’Association des avocats lobbyistes a pour vocation, depuis 2011, de promouvoir cette activité dans la profession et auprès des entreprises françaises, ainsi que de promouvoir les avocats (d’entreprises ou en entreprises) lobbyistes auprès des pouvoirs publics.

Qu’est-ce que le lobbying ?

Une approche classique du lobbying le définit comme une action qui vise à influencer directement ou indirectement les processus d’élaboration, d’application ou d’interprétation des mesures législatives, normes, règlements et plus généralement, de toute intervention ou décision des pouvoirs publics.

Il est le fait d’organismes non gouvernementaux (ONG), dans une perspective d’intérêt général (ou perçue comme telle par ces organismes), où d’acteurs économiques privés, mus par leurs intérêts propres ou catégoriels, représentés ou non par des associations professionnelles ou des fédérations. Il peut être également le fait d’acteurs publics, comme les États membres de l’Union européenne, ou leurs collectivités territoriales, auprès de la Commission européenne par exemple. || est exercé directement par les acteurs concernés (ce qui est généralement le cas des ONG et des acteurs publics) ou indirectement par l’intermédiaire de conseils spécialisés, anciens fonctionnaires, communicants ou avocats. Les cibles de leurs actions sont
généralement productrices de normes (législatives, communautaires ou réglementaires), voire de simples décisions individuelles (autorités administratives indépendantes ou administrations).

(..)

Pourquoi les avocats devraient-ils s’intéresser à cette activité ?

Pour reprendre les termes employés par un avocat américain, « quand l’avocat est confronté à des faits défavorables, il discute en droit ; quand il affronte des textes défavorables, il discute les faits. Mais s’il a affaire à des textes et des faits défavorables, il n’a qu’à changer la loi » ! (you must be present to win : what business lawyers need to know about legislative advocacy, James R. Daughton, Jr)

Si la formule est indubitablement provocatrice, elle illustre bien une nouvelle facette de la manière dont les avocats, d’affaires surtout, peuvent envisager de servir les intérêts de leurs clients. Qu’un nouvel entrant sur le marché français se trouve confronté à des règles ou des usages incompatibles avec son business model ; qu’une jeune entreprise innovante entre en rupture avec un monopole, de droit ou de fait (on peut penser au sujet des taxis (par ex. Uber, interdit en Allemagne), de l’hôtellerie (par ex. Airb&b), de l’expertise-comptable (par ex. SmallBusinessAct) ou même des avocats (par ex. les sites de consultation juridique low cost en ligne) ; qu’un commerçant ne puisse répondre aux exigences contemporaines de sa clientèle en l’état du droit (comme par ex. les enseignes souhaitant ouvrir le dimanche ou le soir pour satisfaire aux exigences d’une clientèle touristique motivée par le shopping), la finalité de notre profession – représenter et défendre les intérêts de nos clients – doit désormais nous conduire à aborder la norme juridique non plus simplement pour la décrypter et l’expliquer, l’interpréter et l’exploiter, mais également de manière proactive et évolutive, pour influer sur son devenir et, partant, sur sa qualité.

(.….)

Les avocats français peuvent-ils pratiquer le lobbying ?

Le Conseil national des barreaux avait confirmé, dès 2008, que « les règles internes applicables à l’avocat français ne lui interdisent pas l’exercice d’une activité de représentant d’intérêts ou de lobbyiste » (Commission des règles et usages, AG, 12 et 13 sept. 2008, Avocat français et lobbying, rapp. présenté par B. Van de Moortel et D. Vailly}. Dans ce cadre, l’article P.38 du Règlement intérieur du Barreau de Paris vient préciser que « l’avocat peut, auprès de toute autorité privée ou publique, française, communautaire ou étrangère, représenter les intérêts de ses clients, personnes physiques ou morales ».

La véritable difficulté provient de l’émergence, en France comme à Bruxelles, de règles de « transparence » recommandant – pour l’instant – aux lobbyistes entrant en contact avec des élus ou des fonctionnaires, de s’inscrire dans un registre et d’y dévoiler l’identité de leurs clients. La compatibilité d’une telle inscription avec le respect du secret professionnel étant discutable, l’article P.2.2.0.1 du Règlement intérieur du Barreau de Paris autorise désormais l’avocat à faire mention, dans les registres, après avoir recueilli eur accord exprès, de l’identité de ses clients et du montant des honoraires perçus. Il en informe ensuite le bâtonnier.

Cette mesure, plus symbolique que décisive – dès lors que les registres actuels demeurent optionnels -, témoigne de la volonté du Barreau de Paris de favoriser le développement de cette activité, illustré par la création de l’Association des avocats lobbyistes en 2011 (htto://www.avocats-lobbving.com) et, en 2014, de la Commission ouverte du Barreau de Paris sur le lobbying.

DOCUMENT 14 : Réponse ministérielle, Journal Officiel, 4 décembre 2018, p. 11236

15ème législature Question N° 13951 de M. Fabien Matras (La République en Marche – Var) Question écrite Ministère interrogé > Travail Ministère attributaire > Travail

Rubrique > justice

Titre > Protection des jeunes mineurs sur YouTube

Question publiée au JO le : 06/11/2018 page : 9933 Réponse publiée au JO le : 04/12/2018 page : 11236

Texte de la question

M. Fabien Matras attire l’attention de Mme la ministre du travail sur les problématiques soulevées par le développement de vidéos mettant en scène de jeunes enfants sur des plateformes multimédias gratuites comme YouTube. L’utilisation de leur image n’est pas neutre et contribue, malgré le très jeune âge de ces enfants dans certains cas, à en faire « des influenceurs » non-protégés par le droit du travail du fait d’un cadre juridique flou. En effet, dans ces vidéos les parents mettent en scène leurs enfants (parfois dès l’âge de quatre an) en train de procéder à diverses activités comme l’« unboxing » où dans certains moments du quotidien. Ces vidéos sont bien souvent sponsorisées par des marques opérant ainsi des placements de produits destinés aux jeunes spectateurs de ces vidéos. Légalement, l’emploi de mineurs de moins de 16 ans est encadré par plusieurs règles restrictives. Elles doivent notamment donner lieu à une prestation, à un lien de subordination ainsi qu’à une rémunération, dont une partie est versée sur un compte dédié à l’enfant et géré par la caisse de consignation, et soumise à l’autorisation de l’article R. 7124-1 du code du travail. Pourtant actuellement, le cadre juridique incertain qui entoure ces chaînes vidéos n’est pas sans effets sur la garantie des droits de ces enfants. En effet, ces chaînes relèvent du « loisir privé » or, paradoxalement, elles sont utilisées à des fins financières et les enfants de ces chaînes « de loisirs » sont juridiquement considérés comme employés professionnels. En outre, les conditions entourant la rémunération des vidéos sur YouTube (par le système monétisation ou de sponsoring) ne permettent pas de garantir qu’au moins une partie de l’argent revienne aux enfants comme cela devrait être le cas. Par ailleurs, l’article R. 7124-1 du code du travail qui soumet à autorisation préfectorale l’emploi de mineurs de moins de 16 ans pour un spectacle ou des productions déterminée a été modifié par le décret n° 2017-871 du 9 mai 2017 pour y intégrer l’organisation des compétitions de jeux vidéo, mais cette adaptation n’a pas pris en compte la pratique évolutive de ces vidéos. Au-delà de l’absence de cadre juridique adapté, ces chaînes ne sont pas sans risques quant sécurité et la psyché des enfants exposés. En effet, le président de l’Observatoire des mondes numériques en sciences humaines estimait ainsi que ces activités viennent perturber le développement personnel de l’enfant en effaçant les limites entre les notions de vie privée et familiale au profit d’une course à l’égo induite par la visibilité sur internet nécessaire à ce genre d’activité. Le Défenseur des droits, saisi à ce sujet, a par ailleurs déclaré être « préoccupé » par le développement du phénomène. En conséquence, il lui demande ce qu’il compte faire pour adapter le cadre juridique existant à ces problématiques.

Texte de la réponse

Le développement des vidéos, qui consistait initialement pour des parents à filmer leurs enfants dans le cadre de leurs activités de loisir n’est actuellement pas encadré de façon spécifique par le code du travail, précisément parce qu’il s’agissait d’activités de loisirs. Ce phénomène tant en terme de volume que de flux financiers conduit désormais à s’interroger sur la qualification « d’activités de loisirs » au regard de critères, notamment dégagés par la jurisprudence, qui caractérisent la relation de travail tels que l’obligation de prendre part à l’activité, de suivre des règles définies unilatéralement, l’orientation dans l’analyse de la conduite où la disponibilité permanente, la possibilité de sanctionner toute infraction à ces obligations. Toutes les vidéos mises en ligne ne répondent pas à ces critères. Nombre d’entre elles relèvent encore de l’activité de loisir. Cependant la « superposition » entre lien de subordination et autorité parentale ne doit pas servir à masquer une éventuelle prestation de travail de la part des enfants qui, dès lors, relèverait des dispositions du code travail, lequel ne permet le travail des mineurs de seize ans que dans des secteurs limitativement énumérés et sous conditions d’obtention d’une autorisation individuelle. Dans tous les cas, le cadre légal de cette activité prenant en compte l’indispensable protection de la jeunesse et du respect des droits de l’enfant, nécessite d’être clarifié. C’est pourquoi, la ministre du travail a demandé à ses services de mener une expertise sur cette question.

DOCUMENT 15 : Arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 octobre 2017, n° 16-83724

Vu l’article 433-2 du code pénal, alors en vigueur ;

Attendu que, selon ce texte, commet un trafic d’influence le particulier qui cède à des sollicitations ou propose des avantages quelconques pour qu’une personne abuse de son influence réelle ou supposée en vue de faire obtenir d’une autorité ou d’une administration publique des distinctions, des emplois, des marchés ou toute autre décision favorable ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué que M. A…, membre de la DST, dirigeait avec M. Michel F…, ancien membre de la DGSE, plusieurs sociétés, notamment les sociétés TPMI, Contest international et Hobel, qu’au sein de ces deux dernières sociétés, qui avaient une activité d’intelligence économique, ont été saisis des documents concernant des « propositions commerciales” pour des missions de renseignements, dont le bénéficiaire final était la société Direction des constructions Navales Internationale (DCNI) à capitaux d’Etat, chargée de la commercialisation des produits et services de la direction des constructions navales au sein de la direction générale de l’armement du ministère de la défense, placée sous la double tutelle des ministères de la défense et des finances, que l’un des objectifs de ces missions paraissait être d’obtenir des informations sur l’évolution des procédures, qui impliquaient financièrement
la société DCNI, dans le contentieux des frégates de Taïwan, soit sur les informations judiciaires, dites « Clearstream », ouvertes en France et en Suisse et sur la procédure devant la cour internationale d’arbitrage ; que M. X… a été le directeur financier et administratif de la société DCNI de juin 1992 à août 2002, date de sa mise à disposition, en qualité de directeur financier et juridique, de la société Armaris qui s’est substituée à la DCNI ; que cette dernière, selon un accord-cadre du 20 juin 2000, a confié à la société Eurolux Gestion la gestion des contrats d’ingénierie commerciale ;

Attendu que M. X… a été poursuivi devant le tribunal correctionnel notamment du chef de trafic d’influence, « d’une part, en acceptant une proposition commerciale dénommée « Bonaparte (Proton) » du 26 mars 2003 adressée par la société Contest international à la société Eurolux Gestion et destinée à la DCNI dans le but de recueillir un maximum d’informations sur les relations actuelles de « Proton », code pour M. B… (désigné comme le principal adversaire de la DCNI), mission facturée 15 000 euros pour l’acquisition de documents que l’administration peut obtenir, soit le fichier des comptes bancaires (Ficoba), les relevés de comptes et relevés téléphoniques concernant M. B…, d’autre part, en sollicitant une proposition commerciale de M. A… aux fins d’acquisition de la liste des clients de la chambre de compensation Clearstream remise à un juge d’instruction, ayant donné lieu à un compte-rendu analytique le 28 juillet 2004 adressé à la société Eurolux Gestion, et destinée à la DCNI, facturée 24 800 euros »;

Attendu que du fait de son désistement d’appel, M. À… est définitivement condamné du chef de trafic d’influence passif dans le cadre des deux propositions commerciales précitées ;

Attendu que, pour confirmer le jugement du tribunal correctionnel et déclarer le prévenu coupable de trafic d’influence actif pour avoir accepté des propositions commerciales dont l’efficacité reposait sur l’influence qu’il prétait à son interlocuteur, l’arrêt retient que les explications de MM. À… et X.., sur les informations et documents devant être recueillis et la rémunération prévue, établissent que les propositions commerciales résultaient d’un accord préalable entre eux, que l’obtention des documents sur M. B.. ne peut résulter que de l’influence exercée par M. A… ou l’une de ses sources, ayant un accès à des fichiers couverts par le secret professionnel du fait d’une personne habilitée ayant permis cet accès, ce qui constitue une décision favorable au sens de l’article 433-2 du code pénal, en l’espèce une décision prise par un agent public habilité à consulter une base de données, non accessible au public, nécessitant une habilitation et un code d’accès, et de remettre le résultat de cette consultation ;

Que les juges ajoutent que pour la « liste Clearstream », concernée par une information judiciaire et obtenue par l’intermédiaire d’un avocat en juillet 2004, comprenant 4 000 comptes et noms de titulaires, dont celui de M. B…, la remise d’un compte-rendu et d’un CD-Rom, pouvant contenir, selon les déclarations des personnes impliquées, des flux financiers résultant de versements de commissions en rapport avec l’affaire, leur obtention présentait un intérêt certain dans la quête d’information à laquelle s’était livré M. X… avec le concours de M. A… et que, malgré l’ignorance alléguée par M. X… de leur existence en dépit de l’écho donné par la presse à cette affaire dans le courant du mois de juin, ces éléments confirment la connaissance par chacun d’eux de la provenance de ces informations à caractère judiciaire ;

Mais attendu qu’en se déterminant ainsi, alors que le fait de se faire remettre par un agent d’une administration publique une information ou un document, même non accessible au public, ne peut constituer l’obtention d’une décision favorable de cette administration au sens de l’article 433-2 du code pénal, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

DOCUMENT 16 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Madame Tifany Labatut, « Médias sociaux – L’achat numérique d’abonnés, de likes, de vues ou de commentaires est-il légal ? », LPA 48 oct. 2019, n° 148h7, p. 10

6. Le business du marketing d’influence sur les médias sociaux a fait naître de nouveaux marchés, dont la vente numérique d’abonnés, de followers, de likes. C’est pourquoi de nombreuses sociétés ont voulu s’y spécialiser afin d’en tirer profit. Et au regard de la multitude de sites internet proposant ces services, il semble qu’il s’agisse là d’un placement fructueux. À présent, étudions le fonctionnement de ces sites.

7. Acheter des abonnés, des vues ou des likes est simple : il suffit de se rendre sur un site spécialisé dans ce type de commerce puis d’y choisir une offre. || existe des offres individuelles, comme 1 000 vues YouTube livrées en 24 heures pour un montant de 5 €, 500 fans Facebook obtenus en 48 heures pour un montant de 70 €, ou encore 100 000 followers livrés en 72 heures pour un montant de 5 000 €. L’on y compte également des offres plus complexes, fonctionnant par « packs », comme 1 000 followers Instagram procurés sur 30 jours, assortis de 100 likes et 20 commentaires automatiques pour un montant de 40 €. Ce type d’offre a la particularité de simuler une hausse naturelle de la popularité. Elles préservent par conséquent la crédibilité du compte aux yeux du public. En effet, un abonné peut très vite se rendre compte qu’un compte triche si ce dernier passe de 100 à 2 500 abonnés en seulement 24 heures. Ainsi, pour éviter tout soupçon, certains sites n’hésitent pas à proposer des offres sur mesure : comme l’achat de vues YouTube internationales auxquelles sont ajoutées diverses options comme un visionnage moyen de 80 % de la vidéo (afin d’accroître les statistiques de la chaîne) ou l’ajout automatique de likes, dislikes et de commentaires sur la vidéo. Dans tous les cas, une fois l’offre sélectionnée, il suffit de fournir l’URL de la page concemée, de valider son panier puis de payer sa commande. À partir de là, il n’y a plus qu’à attendre pour voir grimper la popularité dudit compte.

8. Cette vente numérique est-elle légale ? La plupart des sites internet assurent fournir de vrais followers, abonnés ou likes et avoir un procédé entièrement légal. C’est d’ailleurs ce que soutient le site internet acheter-des-fans.com au sein de ses conditions générales de vente : « les fans et followers issus de nos services sont de vraies personnes utilisant leur réseau social et acceptant de liker/follow les pages que nous leur soumettons par l’intermédiaire de larges plates-formes dédiées à cet usage et partenaires du site www.acheter-des-fans.com. (…) Les méthodes de travail de nos prestataires sont légales au sens strict de la loi mais le site www.acheter-des-fans.com ne peut être tenu responsable de toute conséquence sur le lien (page, vidéo, site) soumis par le client. Lui seul peut être tenu responsable de l’utilisation de nos services ». À la lecture de ces propos, il est certain que la véracité des comptes est un point clé pour rendre légal ce type de commerce. Effectivement, de nombreux réseaux sociaux, à l’image d’instagram ou Facebook, traquent les faux comptes. De ce fait, les conditions générales d’utilisation des médias sociaux interdisent ce type de pratiques et
s’octroient le droit de supprimer les faux comptes. En ce sens, Instagram a en 2014 « supprimé plus de 300 millions de faux comptes, faisant perdre en une journée plus d’un million de followers à des célébrités comme Kim Kardashian et Justin Bieber ». Pour sa part, Facebook a supprimé, en 2018, 1,5 milliard de faux comptes en 6 mois.

9. | ressort de ces faits que certains sites spécialisés dans ce commerce font usage de faux comptes pour satisfaire leur clientèle. Or une telle pratique commerciale doit-elle être qualifiée de trompeuse ou bien être perçue comme de la stratégie publicitaire ? Sur un autre plan, les conditions générales d’utilisation des médias sociaux n’indiquent rien au sujet des sites internet spécialisés dans la vente numérique de véritables abonnés, followers ou likes : l’achat sur ces sites de véritables abonnés est-il autorisé ou alors le client risque-t-il de voir son compte supprimé pour avoir enfreint les conditions générales d’utilisation ? Si tel est le cas, comment expliquer que Facebook, Instagram, ou encore Twitter disposent de leur propre gestionnaire de publicité (Facebook for business, Twitter for business, Instagram for business). En effet, comme cela a été signalé dans nos propos introductifs, sur ces sites, il est possible de financer une campagne publicitaire afin de valoriser des produits et des services pour gagner en visibilité, acquérir de nouveaux abonnés ou des likes. Le procédé est semblable à celui proposé par la concurrence, à ceci près que les gestionnaires de publicité proposés par les médias sociaux permettent de créer des annonces publicitaires, de sponsoriser des tweets ou encore de faire de la publicité ciblée en impliquant davantage le client dans le processus de la campagne publicitaire. De la sorte, il est généralement demandé à l’acheteur de spécifier un grand nombre de données : « catégorie d’âge visée », « catégorie professionnelle visée », « pays visé », « centre d’intérêt », etc. Enfin, l’utilisation des gestionnaires officiels de publicité des médias sociaux garantit une non-suppression du compte.

10. En conclusion, si la chasse aux faux abonnés, likes, dislikes semble être, dans une moindre mesure, une difficulté pouvant être contrôlée par les médias sociaux, l’achat numérique de vues YouTube et de commentaires l’est peut-être moins.

DOCUMENT 17 : Article 434-15 du Code pénal

Le fait d’user de promesses, offres, présents, pressions, menaces, voies de fait, manoeuvres ou artifices au cours d’une procédure ou en vue d’une demande ou défense en justice afin de déterminer autrui soit à faire ou délivrer une déposition, une déclaration ou une attestation mensongère, soit à s’abstenir de faire ou délivrer une déposition, une déciaration ou une attestation, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, même si la subornation n’est pas suivie d’effet.

DOCUMENT 18 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Monsieur Laurent Carrié, « Contrats d’image de personnes », JurisClasseur Communication, Fasc. 320,
2018

(….)

4° Les contrats conclus avec les influenceurs

51. —- Communication publicitaire digitale — Le développement de la communication digitale a conduit les annonceurs a développé des relations avec certains internautes (journalistes, bloggeurs, vlogguers, personnalités influentes, producteurs de contenus divers). Ces relations, à l’origine, informelles étaient basées bien souvent sur un échange produit/service contre contenu.

L’influenceur, au sens large, produit un contenu pas, peu ou très contrôlé par la marque et reçoit en contrepartie une rémunération en espèces ou en nature. Peu à peu, les relations entre les marques et les influenceurs se sont formalisées et ont pris la forme de contrats. Ces contrats sont extrêmement variés, encore assez peu standardisés de telle sorte que sous une même appellation se rangent des situations contractuelles très différentes.

52. — Liberté d’expression, caractère commercial et publicitaire — Ces contrats ont pour but la production d’un contenu. L’une des questions qui se posent est de savoir si ce contenu relève de la liberté d’expression, revêt un caractère commercial et, le cas échéant, publicitaire. Dès lors qu’il a un caractère publicitaire, il est soumis à des règles visant à protéger le consommateur (identification du caractère publicitaire, transparence sur le rôle d’impulsion jouée par la marque, 3 questions à Thomas Defaux et Pauline Celeyron, Collaborations entre marques et influenceurs, Échos de la pratique : JCP E 2017, n° 37}.

53. — Contenu — Ces contrats ont pour finalité la production d’un contenu. Une partie de ces contrats au moins peut comporter des prises de vues de l’influenceur, bloggeur/vloggeur, etc. avec la marque ou le produit. Les prises de vues sont organisées par la marque ou par l’influenceur. Mais le contenu produit ne se réduit pas nécessairement à une image de l’influenceur et du produit. Il comporte bien souvent un contenu éditorial, même minime (ex. :
un ou plusieurs tweet(s)).

54. — Rémunération — Ces contrats comportent le plus souvent une rémunération en espèces ou en naïîure (produits, services où autres) ce qui pose bien évidemment la question du statut de ces rémunérations au regard du droit de la sécurité sociale et du droit fiscal (salaires, honoraires) et plus généralement du statut de ces influenceurs (travailleurs indépendants, autoentrepreneurs, sociétés commerciales, salariés) avec le risque de travail dissimulé et de redressements de cotisations par l’URSSAF que comporte l’absence de statut.

55. — Variété de contrats — L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) distingue 3 types de contrats : le contrat d’influenceur, le contrat de blogueur publicitaire, le contrat de billet sponsorisé.

56. — Le contrat d’influenceur — L’ARPP le définit comme le contrat dans le cadre duquel un individu va exprimer un point de vue ou donner des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou traitement qui lui sont propres et que son audience identifie. L’influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou en collaboration avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, participation à la production d’un contenu, diffusion d’un contenu publicitaire, etc.) (ARPP, Recommandation publicitaire digitale VA :

Www.arpp.orq.).

57. — Le contrat de blogueur publicitaire — L’ARPP le définit comme un contrat visant à promouvoir un produit, un Service où une marque ou une entreprise s’inscrivant dans le contexte de communication de l’entreprise.

58. — Le contrat de billet sponsorisé — Il a pour objet la production par un internaute d’un billet publié pour le compte de l’annonceur contre rémunération.

DOCUMENT 19 : Article de Madame Fleur Jourdan, « Représentants d’intérêts : bilan des premières déclarations », La Semaine Juridique Administrations et Collectivités territoriales n° 24, 18 juin 2018, act. 514

Les personnes qui s’étaient auto-identifiées comme « représentants d’intérêts », au sens des dispositions de l’article 25 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 dites « loi Sapin II » modifiant la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique et de celles du décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts, devaient se déclarer comme telles et s’inscrire sur le répertoire numérique géré par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique {« HATVP ») avant le 31 décembre 2017.

Elles avaient ensuite jusqu’au 30 avril 2018 pour déclarer les activités de représentation d’intérêts qu’elles avaient concrètement réalisées. Tous ces éléments ont permis à la HATVP de dresser, le 31 mai dernier, un premier bilan des déclarations qui lui ont été adressées (disponible sur son site). Si ce bilan témoigne d’une réelle avancée en matière de transparence des actions de lobbying, précédemment peu encadrées en France, il révèle également qu’il existe encore certaines lacunes, voire certaines réticences. Le chemin sera encore long pourque cette culture de la transparence soit totalement intégrée dans nos pratiques.

1. Un répertoire des représentants d’intérêts encore incomplet

Pour rappel, un représentant d’intérêts est une personne, morale ou physique, privée ou publique, un dirigeant ou un employé, qui prend l’initiative de contacter un responsable public pour influer sur une décision publique (P. Villeneuve, Loi Sapin 2, collectivités territoriales et lutte contre la corruption : le répertoire des représentants d’intérêts : Dr. adm. 2017, prat. 3). Pour être qualifié comme tel, il doit exercer ces actions à titre d’activité principale. C’est-à-dire consacrer plus de la moitié de son temps, sur une période de six mois, à préparer, organiser et réaliser des actions de représentation d’intérêts ou avoir exercé ces actions de manière régulière, soit avoir réalisé plus de dix actions d’influence au cours des 12 derniers mois.

Il ressort du bilan que 1 586 représentants d’intérêts sont désormais enregistrés sur le répertoire numérique des représentants d’intérêts géré par la HATVP. C’est un progrès dans la mesure où l’autorité administrative indépendante n’en dénombrait que 831 en janvier dernier.

Toutefois, il est intéressant de noter qu’en Irlande 1 680 représentants d’intérêts sont inscrits à l’inventaire institué en 2015. Le Canada en dénombre 5 731. Quant à l’Union européenne, dont le répertoire a été créé en 2011, elle en compte plus de 11 000.

il est donc raisonnable de considérer que la liste n’est pas encore complète. À titre d’exemple, quelques entreprises du CAC 40 ne sont pas encore inscrites au répertoire tandis que toutes les autres y figurent. En outre, certaines catégories refusent délibérément de se faire recenser en invoquant notamment les règles de secret professionnel auxquelles elles sont astreintes.

La répartition des déclarants semble en revanche assez équilibrée :

48 % sont des organismes représentatifs (syndicats, chambres consulaires, organisations professionnelles) ;

29 % sont des sociétés (civiles ou commerciales) ;

16 % sont des associations ou organisations non gouvernementales ;

7 % Sont des avocats ou consultants.

Source : HATVP : Répertoire des représentants d’intérêts : bilan des premières déclarations d’activités, 31 mai 2018

La HATVP annonce qu’elle a engagé une première série de contrôles afin d’identifier les représentants d’intérêts non-inscrits. Pour rappel, ceux qui n’auraient pas accompli les formalités nécessaires sont susceptibles de s’exposer à une sanction pénale d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, en application de l’article 18-9 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique.

2. Des déclarations d’activité qui sont encore à parfaire

Une fois répertoriés, les représentants d’intérêts devaient, avant le er mai 2018, déclarer les activités qu’ils avaient concrètement réalisées. Auprès de qui sont-ils intervenus ? Comment ? Pour influencer quelle décision ?

C’est certainement sur cet aspect que le bilan est le plus décevant. Tout d’abord, il est intéressant de souligner que sur les 1586 représentants déclarés, seuls 841 ont publié leur déclaration d’activités. Soit à peine plus de la moitié.

Difficulté pratique pour déclarer ? Manque de suivi ? La HATVP les relancera certainement pour comprendre comment une personne qui déclare faire de ces actions de représentation d’intérêts son activité principale ou régulière n’a finalement aucun élément à déclarer.

Ensuite, et à l’issue d’un premier examen des déclarations d’activité, la Haute Autorité déplore elle-même une grande hétérogénéité des pratiques de déclaration. Une réflexion va donc être engagée par la HATVP pour améliorer ses lignes directrices.

En outre, chaque représentant d’intérêts a déclaré en moyenne 5,15 actions de représentation d’intérêts. Ce chiffre peut paraitre faible dès lors qu’il a été rappelé ci-dessus qu’une des conditions pour être qualifié de représentant d’intérêts est de mener au moins… 10 actions par an ! Même si l’exercice ne portait cette fois que sur une période de 6 mois, cette statistique laisse tout de même penser que les déclarants ne se sont pas vraiment livrés à une déclaration
exhaustive. Sans trop de surprise, en revanche, on apprend également que le Gouvernement et le Parlement sont les principales cibles des démarches réalisées et que dans 38 % des actions de représentation d’intérêts, la loi est le type de décision publique influencée. « Organiser des discussions informelles ou des réunions en tête-à-tête » est le type d’action privilégié par les représentants d’intérêts. Cette action, sans doute du fait de son contenu un peu flou, représente en effet 27 % des activités déclarées. Arrivent en seconde position les actions visant à « transmettre aux décideurs publics des informations, expertises dans un objectif de conviction » (24 %).

L’objet de l’action de représentation d’intérêts, qui correspond à la description de la question sur laquelle a porté une action de représentation d’intérêts, a quant à lui été compris et renseigné de manière très diverse par les représentants d’intérêts, selon la HATVP. Elle annonce en conséquence qu’elle complètera prochainement ses lignes directrices afin de mieux expliciter cette notion et de mieux guider les personnes chargées de remplir les déclarations d’activités.

Enfin, le bilan financier, c’est-à-dire les dépenses consacrées à ces activités de lobbying, peut également paraitre sous-estimé, notamment au regard des pratiques étrangères.

Certains groupes du CAC 40 déclarent ainsi avoir consacré à ces activités quelques centaines de milliers d’euros (entre 800 et 900 000 euros en tête de classement), tandis que d’autres n’auraient engagé que quelques dizaines de milliers d’euros de dépenses pour ces actions.

De telles disparités interrogent d’autant plus qu’à l’étranger les chiffres sont plus conséquents. Ainsi, certains déclarants affichent un budget conséquent pour des actions à Bruxelles ou aux États-Unis contre un budget très significativement inférieur en France.

Finalement, ce bilan témoigne de débuts un peu hésitants de cette nouvelle pratique de déclaration des activités de représentation d’intérêts.

Ce défaut de maturité pourrait constituer un élément supplémentaire pour justifier le report, ou la suppression, de cette obligation de déclaration pour les actions de représentation d’intérêts auprès des élus locaux, dont l’entrée en vigueur était initialement prévue pour le 1er juillet 2018.

En effet, l’article 38 du projet de loi renforçant l’efficacité de l’administration pour une relation de confiance avec le public, porté par Gérald Darmanin, envisage d’abroger les dispositions des 6° et 7° de l’article 18-2 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique qui prévoyaient cette extension.

Compte tenu du nombre d’exécutifs locaux, il ne semble pas que la démultiplication d’une pratique, qui, on l’a vu, est encore balbutiante, soit la plus efficace.

DOCUMENT 20 : Extraits (sans notes de bas de page) de l’article de Madame Laura Boulet et Madame Laureline Frossard, « Communication publicitaire digitale et influenceurs : organiser l’identification du caractère commercial », Communication Commerce électronique n° 11, novembre 2018, 17

(…)

B. – Le cadre déontologique L’ARPP (Autorité de régulation professionnelle de la publicité) a publié sur ce thème une grille de lecture au sein de sa Recommandation Communication publicitaire digitale afin de rappeler aux annonceurs, agences, médias et influenceurs l’obligation faite également d’un point de vue déontologique d’identifier les communications commerciales. Partant du constat qu’un influenceur peut agir dans un cadre purement éditorial ou dans le cadre d’une collaboration
commerciale avec une marque pour la publication de contenus (placement de produits, participation à la production d’un contenu, diffusion d’un contenu publicitaire etc.}, la grille de lecture distingue deux situations. D’une part, les cas dans lesquels l’influenceur agit en collaboration avec une marque avec une obligation de publication d’un contenu. C’est par exemple le cas lorsque l’influenceur a une obligation de publier un contenu sur une marque, un produit, un évènement… Dans cett situation, l’existence de cette collaboration doit être portée par l’influenceur à la connaissance de son public. D’autre part, les cas dans lesquels une collaboration entre un influenceur et un annonceur peut être qualifiée de « publicitaire ». La relation est alors plus contraignante et l’annonceur a une véritable prise sur le contenu qui sera diffusé par l’influenceur. Elle doit alors non seulement faire l’objet d’une identification mais également respecter les règles déontologiques et, selon le type de contenu, celles de droit positif concernant la publicité. Plusieurs critères cumulatifs sont posés pour déterminer la nature publicitaire du contenu : le contenu est réalisé dans le cadre d’engagements réciproques (paiement ou toute autre contrepartie) ; la marque ou ses représentants exerce un contrôle éditorial prépondérant (discours imposé, scénario…) et une validation du contenu avant sa publication ; le contenu vise la promotion du produit ou du service de la marque. Dans
ces deux situations, (simple collaboration commerciale et publicité), il est requis d’adjoindre une indication explicite permettant d’identifier le caractère commercial du contenu, de manière à ce que ce caractère apparaisse instantanément à moins que celui-ci ne soit manifeste. Cette information peut se faire par tout moyen « dès lors qu’elle est portée à la connaissance du public quel que soit son moyen d’accès au contenu » (sur les formes possibles, V. les recommandations ci-dessous).

(….)

DOCUMENT 21 : Article L. 121-4, 11° du Code de la consommation Sont réputées trompeuses, au sens des articles L. 121-2 et L. 121-3, les pratiques commerciales qui ont pour objet :

(….)

11° D’utiliser un contenu rédactionnel dans les médias pour faire la promotion d’un produit ou d’un service alors que le professionnel a financé celle-ci lui-même, sans l’indiquer clairement dans le contenu ou à l’aide d’images ou de sons clairement identifiables par le consommateur ;

DOCUMENT 22 : Extraits de l’arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 20 novembre 2019, n° 18-12817

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 30 novembre 2017), que la société Equilibre implant chirurgical (la société ElC), ayant pour activité la commercialisation d’articles médicaux, chirurgicaux et orthopédiques, a , le 14 mars 2007, conclu avec la société Biomet France, aux droits de laquelle est venue la société Zimmer Biomet France (la société Biomet), filiale d’un groupe américain, un contrat d’agent d’affaires d’une durée indéterminée, consistant, pour la première à rechercher des clients pour le compte de la seconde, moyennant le versement de commissions sur la réalisation des ventes intervenues en France métropolitaine ; que, reprochant à la société EIC un manquement grave à ses obligations contractuelles pour n’avoir pas renouvelé son adhésion et sa certification à la politique de lutte contre la corruption du groupe Biomet, à laquelle elle avait accepté de se soumettre, et omis de procéder à la déclaration de ses liens d’intérêts avec les professionnels de santé, prescrite par le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 en violation de l’article 14 du contrat, la société Biomet lui a, par lettre du 8 juillet 2013, notifié la résiliation de celui-ci, sans préavis ; que contestant cette résiliation, la société EIC a assigné la société Biomet en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie ;

Attendu que la société EIC fait grief à l’arrêt de rejeter ses demandes alors, selon le moyen :

()

3°/ que la rupture immédiate de relations commerciales établies suppose qu’une partie manque à ses obligations de façon suffisamment grave, au point de rendre impossible le maintien du lien contractuel ; que pour dire justifiée la résiliation sans préavis du contrat d’agence d’affaires, la cour d’appel a relevé que la société EIC n’avait pas transmis aux ordres professionnels compétents la déclaration de ses liens d’intérêts avec les professionnels de
santé avant la date du 1er juin 2013 prévue par le décret n° 2013-414 du 21 mai 2013 : qu’en statuant ainsi, sans rechercher si l’omission imputée à la société EIC était susceptible de rejaillir sur la société Biomet et par conséquent de caractériser un manquement contractuel d’une gravité suffisante pour justifier la résiliation immédiate du contrat d’agence d’affaires, la cour d’appel a privé sa décision de base légale sur le fondement de l’article L. 442-6 du code de commerce et de l’article 1147 du code civil, en sa rédaction applicable à la cause antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu’après avoir relevé que la société EIC n’avait pas donné suite aux trois courriels des 26 avril, 30 mai et 4 juin 2013, par lesquels la société Biomet lui demandait, conformément à ses obligations, de renouveler son adhésion et sa certification à la politique anti-corruption du groupe avant l’échéance du contrat, le 8 juillet 2013, l’arrêt retient que la société EIC ne peut justifier son attitude par le fait que les documents transmis étaient rédigés en langue anglaise dès lors qu’en 2010, elle avait souscrit Un engagement de même nature au vu de documents rédigés dans cette même langue et qu’elle ne démontre pas avoir réclamé la transmission des documents en langue française ; qu’il relève encore que le groupe de droit américain Biomet était soumis aux Etats-Unis aux règles, issues du « United States Foreign Corrupt Practices Act », interdisant aux sociétés visées de commettre des actes de corruption d’agents publics étrangers et qu’il avait, le 26 mars 2012, conclu avec les autorités américaines un accord dit de poursuites différées (APD), afin de mettre un terme aux enquêtes du Department of Justice and Securities and Exchange Commission, à la condition de mettre en place, pendant une durée de trois ans pouvant être prorogée d’un an, une coopération substantielle de ses employés, distributeurs et agents commerciaux avec les professionnels de santé ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel qui, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a estimé que, compte tenu des règles fixées par le programme de « compliance » et de l’accord conclu, le manquement de la société EIC à ses obligations contractuelles, en ce qu’il était susceptible d’engager la propre responsabilité de la société Biomet, était suffisamment grave pour justifier la rupture de la relation commerciale sans préavis, a légalement justifié sa décision.