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ANNALE DU CRFPA : NOTE DE SYNTHESE

  • : 2024
  • : 5
  • : 3
  • : 24CRFPA-NS1
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  • : Extraits des recommandations de la Commission nationale à destination des jurys et des correcteurs d'épreuve, relativement à l'épreuve d'admissibilité de "Note de synthèse rédigée en cinq heures" (article 5-1° de l'arrêté du 17 octobre 2016) : « L’épreuve est destinée à apprécier, notamment, les capacités de synthèse du candidat : la limite de quatre pages ne doit pas être dépassée. La qualité rédactionnelle est prise en compte (les déficiences orthographiques et syntaxiques, les impropriétés de termes, l’inélégance de style, les obstacles divers à la lisibilité du texte sont sanctionnés). Un plan apparent (avec des titres concis), dont la structuration est laissée à la libre appréciation du candidat, s’il n’est pas obligatoire, est recommandé. La note de synthèse doit consister en une synthèse objective des éléments du dossier documentaire, et seules les informations contenues dans le dossier peuvent être utilisées. La référence au numéro du document peut s’avérer nécessaire à la bonne compréhension de la synthèse et est recommandée. Une brève introduction est recommandée. Une conclusion n’est pas nécessaire ». À partir des documents joints, vous établirez une note de synthèse sur le sujet suivant

Liste des documents :

DOCUMENT 1 : Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, exposé des motifs, proposition de loi (texte n° 551 2022-2023) de Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias, déposée au Sénat le 26 avril 2023 (loi promulguée le 26 déc. 2023, JO 27 déc. 2023)
DOCUMENT 2 : Art. 1352 à 1352-9 du code civil (Chapitre V : Les restitutions)
DOCUMENT 3 : A. Ponchelet, Que vont devenir les « biens mal acquis » des Bongo en France ?, RFI, 4 oct. 2023
DOCUMENT 4 : Cass. com., 21 avr. 2022, n° 20-10809, Publié au Bulletin (extraits)
DOCUMENT 5 : Avis du Conseil d’État sur un projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, 20 avr. 2023 (extraits)
DOCUMENT 6 : Cass. crim., 1er fév. 2023, n° 22-80461, Publié au Bulletin
DOCUMENT 7 : Art. 41-1, 4° du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, art. 35
DOCUMENT 8 : CEDH, Blake c. Royaume-Uni, 19 oct. 2005, n° 68890/01 (extraits)
DOCUMENT 9 : Art. L. 442-4, I du code de commerce, Modifié par ord. n° 2019-359 du 24 avr. 2019, art. 2
DOCUMENT 10 : Cass. com., 2 févr. 2016, n° 14-19278, Inédit
DOCUMENT 11 : Proposition de résolution visant à restituer au peuple libanais les biens mal acquis saisis par la justice française dans le cadre des crimes de corruption et de blanchiment d’argent conformément à la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, texte n° 680 (2022-2023) de M. Joël Guerriau, déposé au Sénat le 5 juin 2023
DOCUMENT 12 : Cass. civ. 3e, 12 septembre 2019, 18-20727, Publié au bulletin
DOCUMENT 13 : Art. R. 222-2 du code des procédures civiles d’exécution, création Décret n° 2012-783 du 30 mai 2012
DOCUMENT 14 : F. Fattori, F. Picard, E. Dedier, V. Simonnet et C. Hennion, Les défis posés par la restitution à l’Afrique des biens culturels pillés durant la colonisation, Le Monde, 28 nov. 2022
DOCUMENT 15 : Art. 1302-1 du code civil, création ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, art. 2
DOCUMENT 16 : Art. 549 du code civil, modifié par loi n° 60-464 du 17 mai 1960, art. 1
DOCUMENT 17 : J. Garrigue et V. Deschamps, Droit de la famille, 3e éd., Hypercours, Dalloz, 2023, n° 144 (extraits)
DOCUMENT 18 : TGI Paris, 3e ch., 3 juin 1969, et note A. T. (Gaz. Pal. 1969, p. 57)

DOCUMENT 1 : Restitution des restes humains appartenant aux collections publiques, exposé des motifs, proposition de loi (texte n° 551 2022-2023) de Mme Catherine MorinDesailly, MM. Max Brisson et Pierre Ouzoulias, déposée au Sénat le 26 avril 2023 (loi promulguée le 26 déc. 2023, JO 27 déc. 2023)

Mesdames, Messieurs,
De nombreux établissements publics, à l’instar des musées, des monuments historiques, des centres de conservation et d’études archéologiques ou des universités, relevant de l’État ou des collectivités territoriales, conservent aujourd’hui des restes humains dans leurs collections. Il s’agit de collections dites « sensibles », dans la mesure où les restes humains, même patrimonialisés, présentent des spécificités par rapport aux autres biens culturels conservés dans les collections publiques qui nécessitent de leur réserver un traitement particulier. Le code civil dispose en effet que « le respect dû au corps humain ne cesse pas avec la mort » et que « les restes des personnes décédées […] doivent être traités avec respect, dignité et décence ». La question de leur restitution à leur pays d’origine peut, dans un certain nombre de cas, se poser. Même si l’immense majorité des restes humains présents dans les collections sont d’origine française, quelques milliers de pièces ont été collectées à l’étranger. Plusieurs d’entre elles peuvent constituer des cas potentiellement litigieux susceptibles de faire l’objet de demandes de restitution de la part de pays tiers. Il peut s’agir, soit des individus identifiés et clairement nommés, soit des individus anonymes, mais dont l’appartenance à un groupe est clairement établie ou les conditions de collecte sont connues. La restitution des restes humains conservés dans les collections publiques est aujourd’hui complexe du fait du principe d’inaliénabilité du domaine public prévu à l’article L. 3111 du code général de la propriété des personnes publiques. Les restes humains relèvent en effet du domaine public mobilier des personnes publiques, dans la mesure où il s’agit de biens présentant « un intérêt public du point de vue de l’histoire, de l’art, de l’archéologie, de la science ou de la technique », conformément aux dispositions de l’article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. Les personnes publiques ne sont autorisées à les céder d’aucune manière, que ce soit de façon volontaire ou contrainte, à titre onéreux ou gratuit. Leur sortie du domaine public est un préalable indispensable à leur restitution. (…) Seule une intervention du législateur peut permettre de déroger au principe à valeur législative d’inaliénabilité afin d’autoriser la sortie définitive de restes humains du domaine public. À deux reprises par le passé, le Parlement a été amené à voter des lois spécifiques pour rendre possible, en 2002, la restitution des restes de la dépouille mortelle de Saartje Baartman à l’Afrique du Sud, à l’initiative du sénateur Nicolas About, et, en 2010, la restitution des têtes maories, à l’initiative de la sénatrice Catherine Morin-Desailly. Depuis lors, plusieurs demandes de restitution ont été portées auprès du gouvernement français de la part d’États étrangers. Un groupe de travail devrait être prochainement mis en place avec l’Australie afin de faciliter l’identification des restes aborigènes.

Le recours à des lois d’espèce n’apparait cependant pas satisfaisant. La nécessité de recueillir l’autorisation du Parlement avant toute restitution ralentit considérablement la procédure et peut décourager les initiatives. Les délais inhérents à la procédure parlementaire ont conduit le Gouvernement à détourner, en juillet 2020, la procédure de dépôt, à vocation pourtant temporaire, afin de restituer à l’Algérie plusieurs crânes de résistants algériens décapités au XIXe siècle conservés dans les collections françaises à la veille du 58e anniversaire de l’indépendance algérienne.
(…)
La présente proposition de loi a donc pour seul objet de fixer le cadre général applicable à la restitution des restes humains appartenant aux collections publiques. La rédaction de son article unique est très largement inspirée des travaux du groupe de travail pluridisciplinaire précité et de l’article 2 du texte qui avait été voté par le Sénat il y a un peu plus d’un an.
Elle définit la procédure et les conditions auxquelles il peut être dérogé au principe d’inaliénabilité des biens relevant du domaine public afin d’autoriser la sortie des collections publiques de restes humains qui y sont conservés dans le but de les restituer à des États tiers, sans qu’il ne soit plus nécessaire de recourir à une loi spécifique. À cet effet, elle insère, au sein du chapitre 5 du titre Ier du livre Ier du code du patrimoine, aujourd’hui consacré aux modalités de déclassement d’un bien culturel appartenant aux personnes publiques, une nouvelle section relative à la sortie des restes humains conservés dans les collections publiques, composé de six articles.
L’article L. 115-5 donne compétence au Premier ministre pour autoriser la sortie des collections publiques par la voie d’un décret en Conseil d’État, sur la base d’un rapport établi par le ministre de la culture, le cas échéant conjointement avec le ministre de tutelle de l’établissement public national auquel le reste humain est affecté, permettant de s’assurer que les différentes conditions prévues par la présente proposition de loi auront été respectées. Dans un souci de respecter le principe de libre administration des collectivités territoriales, l’accord de la collectivité à la restitution est également exigé dans le cas où le reste humain appartient à son domaine public.
Le texte limite le champ d’application de cette dérogation aux seuls restes humains identifiés d’origine étrangère (art. L. 115-3), qu’il s’agisse d’individus nommés ou d’individus anonymes dont l’origine est clairement établie. En cas de doute sur l’identification, un comité composé à parts égales de scientifiques désignés par l’État demandeur et par la France serait chargé de vérifier l’origine des pièces conservées dans les collections, si besoin en ayant recours à des expertises génétiques (art. L. 115-4). La sortie des collections est par ailleurs soumise à un certain nombre de conditions, au premier rang desquelles figurent le dépôt préalable d’une demande de restitution par un État et le fait que la restitution du reste humain soit justifiée au regard des atteintes portées à la dignité humaine lors de sa collecte ou au regard du respect dû aux croyances et cultures des autres peuples. Par corrélation, le texte prévoit que l’individu dont les restes sont demandés doit appartenir à un groupe humain dont la culture et les traditions restent actives. Il instaure enfin un critère d’ancienneté en restreignant cette procédure aux restes des individus dont la date présumée de la mort remonte à moins de cinq cents ans. D’un point de vue scientifique, il est pratiquement impossible d’établir le rattachement de restes humains à un groupe humain précis au-delà de cette durée du fait des nombreux brassages de population qui interviennent au cours des siècles. Enfin, le texte encadre la sortie des collections des restes humains dans sa finalité. Elle est exclusivement réservée à leur restitution à un État étranger à des fins funéraires (art. L. 115- 2). La sortie des collections étant motivée par la volonté d’assurer le respect de la dignité humaine, il apparait en effet primordial que la restitution n’ait pas pour objet l’exposition des restes restitués dans l’État d’origine. Le terme « funéraire » autorise néanmoins tous types de rites ou d’hommages rendus aux morts, y compris la constitution d’un mémorial, comme cela fut le cas pour les têtes maories restituées en 2012 à la Nouvelle-Zélande, conservées au musée Te Papa où elles sont entreposées dans un lieu sacralisé et ne constituent plus des objets de collection. Afin de garantir une bonne information du législateur, qui délègue au pouvoir réglementaire, avec cette procédure, sa compétence pour autoriser la sortie d’un bien des collections publiques, l’article L. 115-6 prévoit la transmission d’un rapport annuel au Parlement présentant à la fois les demandes de restitution pendantes, les décisions de sortie des collections prises au cours de l’année écoulée et les travaux préparatoires ayant conduit à cette décision, ainsi que les restitutions effectivement intervenues. À ce titre, le Parlement pourra notamment prendre connaissance du rapport scientifique établi par le comité conjoint afin de s’assurer de la correspondance des restes restitués avec la demande initiale formulée par l’État d’origine.
Les auteurs de cette proposition de loi sont convaincus que son adoption permettrait à notre pays de disposer, à l’avenir, d’un mécanisme clair et transparent pour traiter les demandes de restitution de restes humains. Ce cadre constitue à leurs yeux à la fois le symbole de la volonté de la France d’assurer une gestion plus éthique de ses collections et la promesse de coopérations culturelles et scientifiques à construire avec les États d’origine.

DOCUMENT 2 : Art. 1352 à 1352-9 du Code civil (Chapitre V : Les restitutions) Article 1352, Modifié par Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 La restitution d’une chose autre que d’une somme d’argent a lieu en nature ou, lorsque cela est impossible, en valeur, estimée au jour de la restitution.

Article 1352-1, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 Celui qui restitue la chose répond des dégradations et détériorations qui en ont diminué la valeur, à moins qu’il ne soit de bonne foi et que celles-ci ne soient pas dues à sa faute.

Article 1352-2, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 Celui qui l’ayant reçue de bonne foi a vendu la chose ne doit restituer que le prix de la vente. S’il l’a reçue de mauvaise foi, il en doit la valeur au jour de la restitution lorsqu’elle est supérieure au prix.

Article 1352-3, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 La restitution inclut les fruits et la valeur de la jouissance que la chose a procurée. La valeur de la jouissance est évaluée par le juge au jour où il se prononce.

Sauf stipulation contraire, la restitution des fruits, s’ils ne se retrouvent pas en nature, a lieu selon une valeur estimée à la date du remboursement, suivant l’état de la chose au jour du paiement de l’obligation.

Article 1352-4, Modifié par LOI n°2018-287 du 20 avril 2018 – art. 13 Les restitutions dues par un mineur non émancipé ou par un majeur protégé sont réduites à hauteur du profit qu’il a retiré de l’acte annulé.

Conformément aux dispositions du I de l’article 16 de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018, les modifications apportées par ladite loi aux dispositions de l’article 1352-4 ont un caractère interprétatif.

Article 1352-5, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 Pour fixer le montant des restitutions, il est tenu compte à celui qui doit restituer des dépenses nécessaires à la conservation de la chose et de celles qui en ont augmenté la valeur, dans la limite de la plus-value estimée au jour de la restitution.

Article 1352-6, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 La restitution d’une somme d’argent inclut les intérêts au taux légal et les taxes acquittées entre les mains de celui qui l’a reçue.

Article 1352-7, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 Celui qui a reçu de mauvaise foi doit les intérêts, les fruits qu’il a perçus ou la valeur de la jouissance à compter du paiement. Celui qui a reçu de bonne foi ne les doit qu’à compter du jour de la demande.

Article 1352-8, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 La restitution d’une prestation de service a lieu en valeur. Celle-ci est appréciée à la date à laquelle elle a été fournie.

Article 1352-9, Création Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – art. 3 Les sûretés constituées pour le paiement de l’obligation sont reportées de plein droit sur l’obligation de restituer sans toutefois que la caution soit privée du bénéfice du terme.

DOCUMENT 3 : A. Ponchelet, Que vont devenir les « biens mal acquis » des Bongo en France ?, RFI, 4 oct. 2023
C’est une saga judiciaire qui dure depuis une quinzaine d’années. Entre saisies, mises en examen et soupçons de corruption, l’affaire des « biens mal acquis » a longtemps été associée au nom Bongo en France. Mais depuis le coup d’État, le 30 août dernier, l’incertitude plane sur l’avenir de la procédure. Récemment, la saga a connu un nouveau rebondissement : les élus communistes de la ville de Paris ont déclaré vouloir faire de ces biens des logements sociaux. Qu’en est-il vraiment ?

Retour en arrière. En 2007, l’ONG Transparency international dépose une plainte. Elle soupçonne la famille Bongo d’avoir bénéficié d’un patrimoine immobilier frauduleusement acheté en France par Omar Bongo lorsqu’il était président du Gabon. Les enquêteurs découvrent effectivement plusieurs appartements, 21 à Paris et 7 à Nice. Des « biens d’exception » comme les appellent les agents immobiliers. Ceux de la capitale sont tous situés
dans le « triangle d’or », entre les Champs Élysées et le quartier latin. Des hôtels particuliers haussmanniens de plusieurs centaines de mètres carrés, évalués par les enquêteurs à 85 millions d’euros. Biens issus de «détournement de fonds publics » De somptueux appartements que la justice estime « mal acquis ». Dans un arrêt de février 2022, la Cour d’appel de Paris déclare que ces propriétés ont été acquises avec « de l’argent issu de détournements de fonds publics » et de la « corruption des sociétés pétrolières, notamment Elf Aquitaine, aujourd’hui TotalÉnergies ».

DOCUMENT 4 : Cass. com., 21 avr. 2022, n° 20-10809, Publié au Bulletin (extraits)

Faits et procédure : 
1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse,17 janvier 2018), M. [V] a, par un acte du 3 janvier 2013, cédé l’intégralité des parts composant le capital de la SARL Entreprise [V] à la société 2E, devenue la société 2EI, moyennant un prix déterminé au vu d’un bilan arrêté au 30 septembre 2012.
2. La société Entreprise [V] a été mise en redressement puis liquidation judiciaires, respectivement les 21 janvier et 18 février 2014.
3. Soutenant que la situation présentée par M. [V] ne correspondait pas à la réalité, la société 2EI l’a assigné en exécution de la garantie d’actif et de passif prévue par l’acte de cession et en paiement de dommages-intérêts puis a demandé principalement l’annulation de la cession et la remise des parties dans la situation où elles se trouvaient antérieurement ainsi que la condamnation de M. [V] à lui payer des dommages-intérêts.
4. Une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte à l’égard de M. [V], la société [R] et associés étant désignée liquidateur.
Examen du moyen
(…)
Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen
11. M. [V] et la société [R] et associés, ès qualités, font le même grief à l’arrêt, alors « qu’en cas d’annulation d’une cession de parts sociales, si la restitution desdites parts consécutive à cette nullité est impossible, le cédant est en droit d’obtenir la restitution de la valeur qu’elles avaient au jour de la cession litigieuse ; qu’en ordonnant la restitution de parts sociales de l’entreprise [V] à M. [V], alors que la société avait fait l’objet d’une liquidation judiciaire de sorte que les parts sociales n’existaient plus, la cour d’appel a violé les articles 1844-8 du code civil,
L. 237-2 du code de commerce et 1234 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

12. Il résulte de l’article 1844-7, 7°, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014, ainsi que des articles 1844-8, alinéa 3, du même code et L. 237-2, alinéa 2, du code de commerce, que le jugement de liquidation judiciaire d’une société, s’il entraîne sa dissolution de plein droit, est sans effet sur sa personnalité morale, qui subsiste pour les besoins de la liquidation jusqu’à la publication de la clôture de la procédure, de sorte que, tant que cette publication n’est pas intervenue, les parts sociales composant son capital ont toujours une existence juridique et peuvent faire l’objet d’une restitution en nature.

13. Le moyen, qui soutient que la restitution en nature n’est plus possible en raison de la seule liquidation judiciaire de la société Entreprise [V], sans prétendre que la procédure avait été clôturée par un jugement publié, n’est pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

DOCUMENT 5 : Avis du Conseil d’État sur un projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945, 20 avr. 2023 (extraits) Le Gouvernement a décidé de rendre public l’avis du Conseil d’État sur un projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet de spoliations dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées entre 1933 et 1945.

1. Le Conseil d’État a été saisi le 8 mars 2023 d’un projet de loi relatif à la restitution des biens culturels ayant fait l’objet d’actes de spoliation dans le cadre des persécutions antisémites pendant la période nazie.

L’étude d’impact transmise le 17 mars 2023 satisfait aux exigences de l’article 8 de la loi organique n° 2009 403 du 15 avril 2009 relative à l’application des articles 34 1, 39 et 44 de la Constitution. Ce projet de loi fait suite à la loi n° 2022 218 du 21 février 2022, qui a permis la sortie de quinze œuvres des collections publiques de musées, afin qu’elles soient remises aux ayants droit de leurs propriétaires dépossédés pendant la période 1933 1945. Le Conseil d’État rappelle qu’à l’occasion de l’examen du projet ayant conduit à l’adoption de cette loi, il avait recommandé dans son avis n° 403728 du 7 octobre 2021 l’élaboration d’une loi de principe organisant une procédure administrative de sortie des collections publiques en réparation des spoliations perpétrées dans le contexte de persécutions antisémites « afin d’éviter la multiplication de lois particulières et de permettre d’accélérer les restitutions ». Le projet de loi, qui donne suite à cette recommandation, n’appelle aucune réserve du Conseil d’État dans son principe comme dans ses objectifs. (…)Objet et apport du projet de loi

3. Le projet de loi institue une procédure permettant de restituer rapidement à leurs propriétaires ou à leurs ayants droit des biens culturels relevant de l’article L. 2112 1 du code général de la propriété des personnes publiques, lorsque leurs propriétaires en ont été spoliés dans le contexte des persécutions antisémites. A cette fin, le projet crée une dérogation au principe d’inaliénabilité des biens du domaine public inscrit à l’article L. 3111 1 du code général de la propriété des personnes publiques, permettant à ces dernières de prononcer la sortie de leurs collections de tels biens, après avis d’une commission, portant sur l’existence de la spoliation et ses circonstances.
En ce qui concerne le champ d’application du nouveau régime de sorties des biens culturels des collections publiques.
4. Le Conseil d’État relève que le projet de loi complète le régime de restitution instauré par l’ordonnance du 21 avril 1945. Il permet à la personne publique concernée de prendre l’initiative de la restitution du bien, alors que l’ordonnance repose sur l’initiative de la victime ou de ses ayants droit. La restitution qu’il organise concerne les biens ayant fait l’objet de spoliations entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, soit une période plus large que celle retenue par l’ordonnance du 21 avril 1945 qui s’applique aux spoliations intervenues « postérieurement au 16 juin 1940 ». Le projet s’étend aux spoliations intervenues en dehors du territoire national dès lors que les biens en question ont été incorporés dans des collections publiques françaises, tandis que l’ordonnance du 21 avril 1945 n’est applicable qu’aux spoliations intervenues en France pendant l’Occupation. En ce qui concerne la caractérisation des actes de spoliation.

5. Le Conseil d’État considère que le processus de restitution des œuvres spoliées intégrées aux collections publiques sera ainsi amplifié, en permettant la restitution dans des circonstances de temps, de lieu, de droit ou de fait des actes de spoliation élargies par rapport aux régimes antérieurs de restitution. Ces actes pourront être caractérisés au regard de l’ensemble des textes ayant conduit, dans l’interprétation qu’en ont donné les juridictions administratives et judiciaires, au rétablissement de la légalité républicaine, à l’affirmation de la nullité de principe des actes de dépossession, à la restitution de plein droit des biens et à la réparation et à l’indemnisation des préjudices consécutifs aux persécutions antisémites.
6. Afin de mieux prendre en compte les conditions de fait et de droit comme les circonstances historiques ayant conduit aux spoliations dont le projet de loi entend améliorer la réparation, le Conseil d’État, s’inspirant des travaux des historiens qu’il a pu consulter et en accord avec le Gouvernement, suggère d’en préciser la rédaction, pour prévoir qu’il concerne les biens culturels ayant fait l’objet de spoliations entre la date d’accession au pouvoir d’A. Hitler et la capitulation allemande, soit entre le 30 janvier 1933 et le 8 mai 1945, dans le contexte des persécutions antisémites perpétrées par l’Allemagne nazie et par les autorités des territoires qu’elle a occupés, contrôlés ou influencés, notamment l’autorité de fait se disant « gouvernement de l’État français ».

En ce qui concerne la dérogation au principe d’inaliénabilité : 

7. Le Conseil d’État rappelle qu’il est loisible au législateur de déroger par une disposition ponctuelle ou générale au principe d’inaliénabilité des biens du domaine public, qui n’a pas valeur constitutionnelle. Il souligne, comme il l’avait fait dans son avis mentionné plus haut, que lorsque des biens ont fait l’objet de spoliations dans le cadre des persécutions antisémites, « [leur] restitution s’impose au nom d’un intérêt général supérieur. Ce motif impérieux rend inopérantes les autres exigences constitutionnelles au regard desquelles une loi prononçant le déclassement de biens du domaine public mobilier doit, en règle générale, être examinée, à savoir l’absence d’atteinte disproportionnée à la propriété publique (Conseil constitutionnel, décision n° 86 207 DC du 26 juin 1986, cons. 58) et de mise en cause de la continuité des services publics auxquels le domaine public est affecté (Conseil constitutionnel, décision n° 94 346 DC du 21 juillet 1994, cons. 2). »
8. Au regard de ce motif impérieux, le Conseil d’État estime que lorsqu’il est établi que le bien a fait l’objet d’une spoliation, la personne publique est tenue d’en prononcer la sortie de ses collections afin de le restituer à son propriétaire ou à ses ayants-droit. En particulier, le souhait de conserver le bien en raison de son intérêt majeur ne saurait l’emporter sur l’intérêt général supérieur qui s’attache à la restitution du bien.
9. Le Conseil d’État recommande que ces dispositions s’appliquent aux demandes de restitution en cours d’examen à la date de publication de la loi. Elles permettront que le refus antérieurement opposé à une demande de restitution sur le fondement des articles L. 2112 1 et L. 3111 1 du code général de la propriété des personnes publiques ne fasse pas obstacle au renouvellement d’une demande qui pourrait désormais être satisfaite sur le fondement de ces nouvelles dispositions.

En ce qui concerne la commission : 
10. La demande de restitution sera soumise à l’avis préalable d’une commission. S’il n’appartient pas en principe à la loi de créer une commission administrative placée auprès du premier ministre ou d’un ministre, il en va autrement lorsque l’intervention de cette commission est prévue dans le cadre de l’exercice par des collectivités territoriales de leurs compétences, comme ce sera le cas pour celles qui sont propriétaires de biens culturels ayant fait l’objet d’actes de spoliation dans le cadre des persécutions antisémites pendant la période nazie. Pour ce qui concerne de tels biens appartenant à l’État ou à des établissements publics de l’État, l’existence de cette commission, dont la composition garantira l’indépendance et l’expertise nécessaire à une instruction approfondie relative à la traçabilité de l’œuvre et aux circonstances de la dépossession, est un élément de l’équilibre d’ensemble entre le respect de la propriété publique et la restitution des biens culturel spoliés à leurs légitimes propriétaires, qu’il revient à la loi d’assurer. (…)

DOCUMENT 6 : Cass. crim., 1er fév. 2023, n° 22-80461, Publié au Bulletin

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. Au cours d’une perquisition effectuée dans le cadre d’une information judiciaire ouverte des chefs d’infractions à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et blanchiment, la somme de 58 600 euros découverte au domicile de M. [G] [E] a fait l’objet d’une saisie incidente.

3. Par jugement du 28 mars 2019, le tribunal correctionnel, pour blanchiment de trafic de stupéfiants, a condamné M. [E] à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, 10 000 euros d’amende et a dit n’y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, au motif que la demande portait sur une somme non saisie dans le cadre de l’information.

4. Le 22 janvier 2020, l’avocat de l’intéressé a présenté au procureur de la République une requête aux fins de restitution de cette somme.

5. Par décision du 1er avril 2021, le procureur de la République a rejeté cette demande.

6. M. [E] a déféré la décision de non-restitution à la chambre de l’instruction. Examen du moyen
Enoncé du moyen

7. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, préliminaire, 41-4, 591 et 593 du code de procédure pénale et du principe de la présomption d’innocence.

8. Le moyen critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a refusé de faire droit au recours formé par le demandeur à l’encontre du rejet de sa requête en restitution de la somme de 58 600 euros, alors que la procédure incidente diligentée pour des faits de non-justification de ressources à la suite de la découverte de cette somme a été classée sans suite le 22 février 2017 au motif d’une insuffisance d’éléments propres à caractériser cette infraction, qu’aucune poursuite pénale n’a été engagée à l’encontre de M. [E], et que la restitution des fonds dont la propriété n’est pas contestée, provenant de son activité de cambiste, aurait dû être ordonnée par la chambre de l’instruction, qui s’est bornée à répondre par un motif inopérant à l’argumentation du requérant en retenant que la somme en question est le produit d’une infraction.

Réponse de la Cour
Vu l’article 41-4 du code de procédure pénale :

9. Aux termes du premier alinéa de ce texte, au cours de l’enquête ou lorsqu’aucune juridiction n’a été saisie ou que la juridiction saisie a épuisé sa compétence sans avoir statué sur la restitution des objets placés sous main de justice, le procureur de la République ou le procureur général est compétent pour décider, d’office ou sur requête, de la restitution de ces objets lorsque la propriété n’en est pas sérieusement contestée.

10. Selon le deuxième alinéa, il n’y a pas lieu à restitution lorsque celle-ci est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens, lorsque le bien saisi est l’instrument ou le produit direct ou indirect de l’infraction ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction des objets placés sous main de justice.

11. Lorsque la requête est présentée alors qu’aucune juridiction n’a été saisie en raison du classement sans suite de la procédure au cours de laquelle le bien objet de la requête en restitution a été saisi, la restitution ne peut être refusée au motif que le bien est le produit ou l’instrument de l’infraction, dès lors qu’en l’état dudit classement, aucune juridiction de jugement n’est susceptible de constater l’existence de cette infraction.

12. La restitution ne peut dans ce cas être refusée que si elle est de nature à créer un danger pour les personnes ou les biens ou lorsqu’une disposition particulière prévoit la destruction du bien.

13. En l’espèce, pour rejeter le recours formé par le demandeur à l’encontre de la décision du procureur de la République disant n’y avoir lieu à restitution de la somme de 58 600 euros, l’arrêt attaqué, après avoir rappelé les termes de l’alinéa 2 de l’article 41-4 précité, indique que la découverte de cette somme, lors de la perquisition effectuée le 18 novembre 2014 au domicile de M. [E], a donné lieu à l’établissement d’une procédure incidente sous la qualification de non-justification de ressources, puis au placement sous scellés de ladite somme.

14. Les juges ajoutent que cette procédure incidente a été transmise au parquet de Nanterre et a fait l’objet le 22 février 2017 d’un classement sans suite au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée.

15. Ils relèvent qu’il n’est pas exigé, pour que les dispositions de l’article 41-4, alinéa 2, du code de procédure pénale soient applicables, que des poursuites aient été engagées ou qu’une condamnation ait été prononcée, qu’il suffit qu’aucune juridiction n’ait été saisie, ce qui est le cas lorsque l’enquête s’est conclue par un classement sans suite et qu’une telle décision intervenue le 22 février 2017 ne saurait, à elle seule, invalider la décision de refus de
restitution.

16. Ils retiennent que dès lors qu’il résulte de la procédure, notamment des explications fournies par M. [E], que la somme de 58 600 euros provient de son activité de cambiste exercée à titre accessoire et pour laquelle il percevait une commission, alors qu’il ne justifie d’aucun agrément délivré par une autorité administrative, il est permis de considérer que cette activité correspond à l’activité prohibée par l’article L. 511-5 du code monétaire et financier et que cette somme est le produit d’une infraction.

17. En se déterminant ainsi, alors qu’elle a constaté le classement sans suite de l’enquête au cours de laquelle la saisie avait été effectuée, la chambre de l’instruction a méconnu le texte susvisé et les principes ci-dessus énoncés.
18. La cassation est par conséquent encourue. Portée et conséquences de la cassation

19. La cassation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d’appliquer directement la règle de droit et de mettre ainsi fin au litige, ainsi que le permet l’article L. 411- 3 du code de l’organisation judiciaire.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt susvisé de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Versailles, en date du 30 novembre 2021 ; ORDONNE la restitution à M. [E] de la somme de 58 600 euros saisie à son domicile (procédure incidente numéro 2014/1033) ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

DOCUMENT 7 : Art. 41-1, 4° du Code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2024-42 du 26 janvier 2024, art. 35. S’il lui apparaît qu’une telle mesure est susceptible d’assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l’infraction ou de contribuer au reclassement de l’auteur des faits, le procureur de la République peut, préalablement à sa décision sur l’action publique, directement ou par l’intermédiaire d’un officier de police judiciaire, d’un délégué ou d’un médiateur du procureur de la République :
(…)

4° Demander à l’auteur des faits de réparer le dommage résultant de ceux-ci. Cette réparation peut notamment consister en une restitution, en une remise en état des lieux ou des choses dégradés ou en un versement pécuniaire au bénéfice de la victime ou de toute personne physique ou morale ayant eu à engager des frais pour remettre en état les lieux ou les choses dégradés ainsi qu’en un remboursement du prêt versé à la victime en application de l’article L. 214-9 du code de l’action sociale et des familles, sans que ce remboursement puisse excéder 5 000 euros;

(…)

DOCUMENT 8 : CEDH, Blake c. Royaume-Uni, 19 oct. 2005, n° 68890/01 (extraits)
(…)
EN FAIT

1. Le requérant, M. George Blake, est né aux Pays-Bas en 1922. Il déclare avoir été titulaire d’un passeport britannique, avoir acquis la citoyenneté soviétique en 1967 et être, encore aujourd’hui, ressortissant de la Fédération de Russie. Il vit en Russie depuis 1966 environ. Devant la Cour, il est représenté par Mme N. Mole, du Centre AIRE, une organisation non gouvernementale sise à Londres.

A. Les circonstances de l’espèce

Les faits de la cause peuvent se résumer comme suit.

1. Les services secrets britanniques (SIS) et l’autobiographie

2. De 1944 au 3 mai 1961, le requérant fut membre du SIS. Le 16 août 1944, il signa un engagement en vertu de la loi de 1911 sur les secrets officiels (Official Secrets Act 1911 – « la loi de 1911 »). Il ne produit pas cet engagement et l’Attorney General ne l’a pas fait non plus dans le cadre de la procédure nationale décrite ci-dessous. Toutefois, l’Attorney General a soutenu (devant la Cour d’appel) que cette déclaration reprenait l’article 2 § 1 de la loi de 1911 et qu’elle contenait l’engagement suivant pris par l’intéressé : « Je déclare avoir conscience que les dispositions ci-dessus de la [loi de 1911] s’étendent également aux articles publiés dans la presse et sous forme livresque, et je m’engage à ne pas divulguer, que ce soit dans la presse ou sous forme livresque, les informations officielles dont je pourrais avoir connaissance dans le cadre de mes fonctions. Je déclare également avoir conscience que ces dispositions s’appliquent non seulement pendant ma période de service mais également après la cessation de mes fonctions. »

3. Vers 1951, le requérant devint agent de l’Union soviétique, après avoir été détenu par les troupes nord-coréennes pendant la guerre de Corée. Depuis cette époque jusqu’à son arrestation en 1960, il transmit des informations et des documents secrets aux autorités soviétiques. Le 3 mai 1961, il plaida coupable de cinq chefs de communication illégale d’informations, en violation de l’article 1 § 1 c) de la loi de 1911. Il fut condamné à une peine de quarante-deux ans d’emprisonnement. Son procès se déroula à huis clos et les détails des accusations dirigées contre lui ne furent jamais rendus publics. En 1966, il s’évada de prison. Il réussit à parvenir à Berlin et, de là, à Moscou, où il vit encore aujourd’hui.

4. En 1989, il écrivit son autobiographie, intitulée « No Other Choice » (« Pas d’autre choix » – ci-après « le livre»). La High Court décrivit par la suite cet ouvrage de la façon suivante : « L’intéressé y évoque ses antécédents et sa jeunesse, le rôle qu’il a joué dans la guerre de 1939-1945 et son entrée au SIS pendant la guerre. Il donne des détails sur son entraînement et son travail en tant qu’officier du SIS après la guerre. Il parle de sa détention, pendant la guerre de Corée, par les troupes nord-coréennes et explique comment, pendant cette période, il adhéra à la cause communiste et offrit ses services au KGB. Il fournit des précisions sur ses activités en tant qu’officier du SIS après sa libération à la fin de la guerre de Corée. Il décrit les circonstances dans lesquelles les autorités britanniques eurent connaissance de son rôle en tant qu’agent soviétique, son procès, son emprisonnement et son évasion ultérieure. Il relate sa vie en Union soviétique à la suite de son évasion. Le [livre] peut tout à fait être décrit
comme l’apologie de la voie qu’il a choisie. Il ressort de la brève description qu’il a donnée du contenu du [livre] que des parties importantes de celui-ci ont trait aux activités de son auteur en tant qu’officier du SIS et sont fondées sur des informations dont il a eu connaissance dans le cadre de ces activités. »

5. Le 4 mai 1989, le requérant signa un contrat d’édition avec Jonathan Cape Ltd (« l’éditeur ») qui accordait à celui-ci l’exclusivité pour publier le livre au Royaume-Uni. L’éditeur accepta de verser au requérant, à titre d’avance sur les droits d’auteur, 50 000 livres sterling (GBP) à la signature du contrat, 50 000 GBP à la livraison du manuscrit définitif et 50 000 GBP à la publication du livre. Au 14 septembre 1990, le requérant avait reçu 50 000 GBP. Après déduction des honoraires des agents et des impôts, il perçut un montant net de 33 650 GBP. Une somme supplémentaire de 10 000 GBP fut alors versée à l’agent, ce qui laissait 90 000 GBP dus par l’éditeur au requérant (soit un montant après impôts de 55 000 GBP). Le requérant ne demanda pas à la Couronne l’autorisation de publier le livre. Il remit le manuscrit à l’éditeur à la fin de l’année 1989. Début septembre 1990, la publication imminente du livre fut annoncée par un communiqué de presse.

6. Le 14 septembre 1990, le Treasury Solicitor écrivit à l’éditeur, soutenant que certaines des informations figurant dans le livre relevaient de l’obligation de confidentialité du requérant visà-vis de la Couronne et que celle-ci tiendrait l’éditeur pour responsable des manquements à cette obligation. Il demanda à l’éditeur de s’engager avant le 18 septembre 1990 à transmettre à la Couronne tout versement dû au requérant. Le 17 septembre 1990, l’éditeur fit observer en réponse que la Couronne avait attendu jusqu’à la veille de la publication pour lui écrire, alors que tout le monde était informé de celle-ci depuis au moins le 9 septembre 1990. Toutefois, il s’engagea à n’effectuer aucun versement au requérant sans le notifier sept jours à l’avance à la Couronne. Le livre fut publié au Royaume-Uni le 17 septembre 1990.
(…)
2. La High Court
8. L’Attorney General saisit la High Court le 24 mai 1991, demandant la confiscation de tout profit financier que le requérant pourrait tirer de la publication, au motif qu’en écrivant le livre et en en autorisant la publication l’intéressé avait manqué à l’obligation de discrétion qu’il devait à la Couronne en tant qu’ancien membre du SIS.

L’acte introductif d’instance (paragraphe 3) décrivait l’obligation alléguée en ces termes :
« i. ne pas utiliser sa qualité d’ancien fonctionnaire pour générer un profit ou un bénéfice pour lui-même, ii. ne pas utiliser les informations qui lui auraient été confiées en sa qualité de fonctionnaire pour générer un tel profit ou bénéfice, et iii. restituer à la Couronne tout profit ou bénéfice généré de la sorte par une utilisation abusive de sa qualité et/ou des informations susmentionnées. » (…)

EN DROIT
(…)
E. Sur l’article 10 de la Convention et le versement des bénéfices perçus 125. Le requérant se plaint en outre sous l’angle de l’article 10 de la Convention que l’ordonnance de versement des bénéfices perçus constitue une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression qui n’est ni prévue par la loi ni nécessaire dans une société démocratique.
(…)
160. A la lumière de ce qui précède, la Cour estime que l’ingérence dans l’exercice par le requérant de sa liberté d’expression en l’espèce ne saurait être considérée comme disproportionnée aux buts légitimes poursuivis. En conséquence, le grief tiré de l’article 10 par l’intéressé est manifestement mal fondé au sens de l’article 35 § 3 de la Convention et doit être déclaré irrecevable en application de l’article 35 § 4. (…)

Par ces motifs, la Cour, à l’unanimité, Déclare recevable le grief du requérant relatif à la durée de la procédure ;
Déclare la requête irrecevable pour le surplus.

DOCUMENT 9 : Art. L. 442-4, I du Code de commerce, Modifié par ord. n° 2019-359 du 24 avr. 2019, art. 2

I.-Pour l’application des articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8, l’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités. Toute personne justifiant d’un intérêt peut demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 ainsi que la réparation du préjudice subi. Seule la partie victime des pratiques prévues aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8 peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus. Le ministre chargé de l’économie ou le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L. 442-1, L. 442-2, L. 442-3, L. 442-7 et L. 442-8. Ils peuvent également, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indument obtenus, dès lors que les victimes de ces pratiques sont informées, par tous moyens, de l’introduction
de cette action en justice. Ils peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants :
– cinq millions d’euros ;
– le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ;
– 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

DOCUMENT 10 : Cass. com., 2 févr. 2016, n° 14-19278, Inédit
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que Mme X…, qui était l’associée unique et la gérante de l’EURL Koumadis, a signé le 1er septembre 1992 un mandat général de gestion au profit de M. Y… ; que le 2 septembre 1992, M. Y… a cédé les parts détenues par Mme X… dans l’EURL Koumadis, pour partie à son profit et pour partie au profit de sa soeur, Mme Y… ; que le 31 mars 2007, M. et Mme Y… (les consorts Y…) ont cédé l’intégralité des parts de l’EURL Koumadis à des tiers ; que soutenant qu’elle n’avait jamais consenti à la cession de ses parts et que le mandat donné à M. Y… ne comportait pas le pouvoir de disposer, Mme X… a assigné les consorts Y… en nullité et en paiement de dommages-intérêts ; qu’un arrêt, devenu irrévocable, a prononcé la nullité de la cession du 2 septembre 1992 et, avant dire droit sur l’indemnisation du préjudice financier de Mme X…, a ordonné une mesure d’expertise ; Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Attendu que les consorts Y… font grief à l’arrêt de les condamner à payer à Mme X… une certaine somme en réparation de son préjudice financier alors, selon le moyen, que l’annulation d’une cession de parts sociales confère au vendeur, dans la mesure où leur restitution en nature n’est pas possible, le droit d’en obtenir la remise en valeur laquelle doit être appréciée au jour de l’acte annulé ; qu’en condamnant M. et Mme Y… à payer à Mme X… la somme de 274 061 311 FCP, en se fondant sur la valeur de l’EURL Koumadis non pas au jour de l’acte de cession de parts sociales annulé, le 2 septembre 1992, mais à la date à  laquelle les parts de l’EURL Koumadis avaient ensuite été cédées par M. et Mme Y… aux époux A…, le 31 mars 2007, la cour d’appel a violé l’article 1234 du code civil ;
Mais attendu que la cour d’appel ayant, par des motifs non critiqués, indemnisé le préjudice que Mme X… indiquait avoir subi du fait, non de la cession annulée du 2 septembre 1992, mais de celle intervenue le 31 mars 2007, le moyen manque en fait ;
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche, qui est recevable comme étant de pur droit : Vu les articles 549 et 550 du code civil ;
Attendu qu’il résulte de ces textes que si la restitution consécutive à l’annulation d’une cession de droits sociaux a lieu en valeur, cette circonstance ne fait pas obstacle à la restitution au cédant des fruits produits par les parts sociales litigieuses, à condition qu’ils aient été perçus en connaissance du vice affectant l’acte annulé par celui qui est tenu à restitution ;
Attendu que pour statuer comme il fait, l’arrêt relève qu’il résulte du rapport d’expertise que les consorts Y… ont perçu chacun des dividendes au titre des exercices clos entre 1997 et 2003 ; qu’il retient que c’est à juste titre que l’expert a estimé que du fait de l’annulation de la cession des parts sociales intervenue en 1992, les dividendes nets distribués devaient être reversés à
Mme X… ;
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher si, à la date à laquelle les dividendes ont été distribués, les consorts Y… avaient connaissance du vice affectant l’acte annulé, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu’il entérine les conclusions du rapport d’expertise déposé le 23 mai 2013 par M. B…, expert-comptable, fixe le montant du préjudice financier subi par Mme X… à la somme de 274 061 311 FCFP, condamne solidairement M. Marcel Y… et Mme Sylvie Y… à lui payer cette somme à titre de dommages-intérêts et statue sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens, l’arrêt rendu le 15 mai 2014, entre les parties, par la cour d’appel de Nouméa ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Nouméa, autrement composée ;

DOCUMENT 11 : Proposition de résolution visant à restituer au peuple libanais les biens mal acquis saisis par la justice française dans le cadre des crimes de corruption et de blanchiment d’argent conformément à la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités
mondiales, texte n° 680 (2022-2023) de M. Joël Guerriau, déposé au Sénat le 5 juin 2023

Le Sénat,
Vu la Constitution, notamment son article 34-1,
Vu le code pénal, notamment ses articles 324-1 et 435-3,
Vu la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire
et à la lutte contre les inégalités mondiales,

Considérant la situation économique, sociale et politique au Liban, qui connaît une crise sans précédent et qui a été aggravée par l’explosion du 4 août 2020 dans le port de Beyrouth ; Se référant à la mission du Fonds monétaire international (FMI) conduite en 2023 sur le fondement de l’article IV des Statuts du FMI, spécifiquement leurs recommandations portant sur la lutte contre la corruption ;
Considérant que la corruption et le blanchiment d’argent constituent des obstacles majeurs à la réalisation d’un développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ; Considérant que la justice française a saisi des biens mal acquis, résultant de crimes de corruption et de blanchiment d’argent et impliquant des ressortissants et des responsables libanais ;
Considérant l’importance de la solidarité internationale et de la coopération entre les États dans la lutte contre la corruption et les inégalités mondiales ;

Condamne avec la plus grande fermeté la corruption sous toutes ses formes ; Rappelle le principe fondamental de la restitution des avoirs issus de la corruption fixé par la Convention des Nations unies sur la corruption, dite de Merida ; Invite le Gouvernement à établir un mécanisme de restitution des biens mal acquis saisis par la justice française, résultant de crimes de corruption et de blanchiment d’argent et impliquant des ressortissants et des responsables libanais, au bénéfice du peuple libanais, en accord avec les dispositions de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 précitée ; Invite le Gouvernement à une coopération étroite avec les autorités libanaises compétentes, les organisations internationales et les organisations non gouvernementales, afin d’assurer une restitution transparente, responsable et efficace de ces biens mal acquis au profit du peuple libanais ;
Invite le Gouvernement à mettre en œuvre des actions de formation, d’assistance technique et de renforcement des capacités des autorités libanaises en matière de lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et la récupération des avoirs illicites ; Suggère au Gouvernement de veiller à ce que les fonds restitués soient utilisés de manière transparente et responsable pour le développement solidaire et la lutte contre les inégalités mondiales, en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation, des infrastructures et de l’environnement ;
Demande au Gouvernement, le cas échéant, d’informer régulièrement le Parlement des avancées réalisées dans la mise en œuvre de cette résolution.

DOCUMENT 12 : Cass. civ. 3e , 12 septembre 2019, 18-20727, Publié au bulletin

Sur le premier moyen :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 5 juin 2018), que, le 16 avril 1997, la SCI L’Anglais a donné à bail un appartement à M. P… et à Mme H… ; que, le 8 avril 2014, M. K…, devenu propriétaire des lieux, a délivré aux locataires un congé pour reprise à son profit, puis les a assignés en validité du congé ; qu’ayant constaté que les locataires avaient sous-loué l’appartement, il a également sollicité le remboursement des sous-loyers en exécution de son droit d’accession ;

Attendu que M. P… et Mme H… font grief à l’arrêt de les condamner à la restitution des sous loyers, alors, selon le moyen :
1°/ que les sous-loyers perçus par un locataire au titre d’une sous-location ne constituent pas des fruits civils appartenant au bailleur par accession mais l’équivalent économique du droit de jouissance conféré au preneur, lequel est en droit de les percevoir et de les conserver, sauf à engager sa responsabilité envers le bailleur en cas de préjudice subi par celui-ci du fait de la méconnaissance d’une interdiction contractuelle de sous-location ; qu’il ne peut donc être reproché à un locataire d’avoir, en percevant de tels sous-loyers, détourné fautivement des sommes qui ne pouvaient appartenir au bailleur ; qu’en décidant le contraire, et en condamnant M. P… et Mme H… à rembourser à M. K… les loyers qu’ils avaient perçus en sous-louant le bien litigieux, la cour d’appel a violé les articles 546 et 547 du code civil, ensemble l’article 1147 devenu 1231-1 du même code ;

2°/ qu’une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire mais produit tous ses effets entre le locataire principal et le sous-locataire ; qu’en conséquence, seul le locataire est créancier des sous-loyers ; qu’en retenant néanmoins que les sous-loyers perçus par M. P… et Mme H… appartenaient à M. K… et que les locataires étaient tenus de les rembourser à ce dernier en réparation du préjudice financier subi par le bailleur du fait du détournement de ces sommes, la cour d’appel a violé les articles 546 et 547 du code civil, ensemble l’article 1147 devenu 1231-1 du même code ; Mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ; Et attendu qu’il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le second moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

DOCUMENT 13 : Art. R. 222-2 du code des procédures civiles d’exécution, création
Décret n° 2012-783 du 30 mai 2012
Un commandement de délivrer ou de restituer est signifié à la personne tenue de la remise.

Ce commandement contient, à peine de nullité :
1° La mention du titre exécutoire en vertu duquel la remise est exigée ;
2° L’indication que la personne tenue de la remise peut, dans un délai de huit jours, transporter
à ses frais le bien désigné en un lieu et dans les conditions indiqués ;
3° L’avertissement qu’à défaut de remise dans ce délai le bien peut être appréhendé à ses frais;
4° L’indication que les contestations peuvent être portées devant le juge de l’exécution du lieu où demeure le destinataire de l’acte.
Le commandement peut être signifié dans le même acte que le jugement.

DOCUMENT 14 : F. Fattori, F. Picard, E. Dedier, V. Simonnet et C. Hennion, Les défis posés par la restitution à l’Afrique des biens culturels pillés durant la colonisation, Le Monde, 28 nov. 2022.

Alors que 90 % du patrimoine culturel subsaharien est éparpillé hors du continent, Paris s’est engagé, en 2017, à rendre possible, à l’horizon 2022, la restitution des pièces conservées en France à la suite des pillages coloniaux. Jusqu’à présent, très peu ont retrouvé leur terre d’origine. Lors de son discours prononcé face à un parterre d’étudiants de l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 28 novembre 2017, le président Emmanuel Macron avait suscité la surprise en souhaitant que, « d’ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Dans cette optique, deux chercheurs – l’écrivain sénégalais Felwine Sarr, économiste et professeur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal), et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française à
l’Université technique de Berlin – avaient été chargés de rédiger un rapport. Remis fin 2018, au terme d’une vaste consultation d’experts et d’acteurs politiques en France et dans quatre pays d’Afrique francophone (Bénin, Sénégal, Mali, Cameroun), le « Rapport sur la restitution du patrimoine culturel africain. Vers une nouvelle éthique relationnelle » dresse un constat accablant. L’exergue, emprunté à une lettre de l’écrivain Michel Leiris à son épouse, datée de 1931, en donne la tonalité : « On pille des Nègres, sous prétexte d’apprendre aux gens à les connaître et les aimer, c’est-à-dire, en fin de compte, à former d’autres
ethnographes, qui iront eux aussi les “aimer” et les piller. » Premier constat, la quasi-totalité (de 90 % à 95 %, selon les estimations) du patrimoine matériel des pays d’Afrique situés au sud du Sahara se trouve hors du continent africain, rendue inaccessible à la jeunesse africaine au point qu’« elle en ignore souvent la richesse et la potentialité, si ce n’est l’existence même ». S’appuyant notamment sur des inventaires paramétrés selon les besoins de la mission, destinée à saisir la qualité, la quantité et la provenance exacte des collections africaines des pièces conservées au Musée du quai Branly, à Paris, les chercheurs concluent que tous les biens culturels obtenus pendant la période coloniale – quelles que soient les conditions de ces acquisitions (butins de guerre, vols, missions scientifiques, efforts de christianisation de missionnaires catholiques ou protestants, etc.) – relèvent d’une spoliation en raison des rapports inégaux entre les parties, et préconisent leur restitution. Même après les indépendances, nombre de pièces intégrant les collections muséales proviennent des guerres de conquête et des périodes de domination, après avoir transité sur le marché de l’art ou dans les familles des officiers qui les avaient rapportées.

Ce rapport a suscité de vives critiques. Stéphane Martin, à l’époque président du Quai Branly, défend alors le concept d’« universalité » de l’art et dénonce « un cri de haine contre le concept même de musée, considéré comme une invention occidentale, comme un lieu quasi criminel dans lequel les objets sont plumés, déshabillés, où on leur retire leur magie ». Dans les milieux liés au marché de l’art et des musées français, beaucoup redoutent que la restitution d’œuvres africaines provoque un « appel d’air » qui viderait les collections hexagonales, et s’inquiètent des conditions de conservation d’objets fragiles par des Etats jugés instables et dont les moyens muséographiques seraient insuffisants.

Au-delà de ces débats, la promesse du président Macron se heurte à des considérations juridiques. Les collections des musées publics français, dont 90 000 pièces originaires d’Afrique subsaharienne, sont protégées par leur inaliénabilité, inscrite dans le code du patrimoine (article L. 451-5). Seules des lois spécifiques peuvent permettre, au cas par cas, la restitution définitive à un Etat tiers d’un ou plusieurs objets. Sur le plan européen, ces questions font désormais l’objet d’une vaste réflexion sur la nécessaire analyse critique des collections africaines des musées publics français, allemands,
belges et britanniques, dont certains – à l’instar du Musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (« Musée du Congo », lors de sa création, en 1897) à Bruxelles, ou encore du Musée d’ethnographie du Trocadéro (1878) – ont été conçus comme des vitrines d’empire. Le rapport Sarr-Savoy souligne ainsi « combien la recherche active de biens culturels et leur transfert dans les capitales européennes ont bien été au cœur – et non à la marge – de l’entreprise coloniale ». Royaume-Uni

Le British Museum, détenteur de la plus grande collection de bronzes du Bénin – pillés par l’armée coloniale en 1897, lors de la mise à sac du palais royal d’Edo (aujourd’hui Benin City), situé dans le sud-ouest de l’actuel Nigeria – refuse jusqu’à présent toute restitution, au nom de l’universalité des musées. Mais les initiatives privées se multiplient. Fin 2021, les universités de Cambridge et d’Aberdeen ont rendu deux bronzes à Abuja. En septembre de la même année, une partie du butin pris à Magdala (capitale de l’ancien empire d’Abyssinie), en 1868, a été remise à l’ambassadeur d’Ethiopie à Londres, après avoir été achetée à des fonds privés par l’écrivain Tahir Shah, par le biais de sa fondation, en vue de les restituer à Addis-Abeba. Allemagne. En 2011, l’Allemagne rend à la Namibie (colonie allemande jusqu’en 1918) des crânes d’indigènes herero et nama, victimes d’un génocide entre 1904 et 1908. En 2019, elle restitue encore la croix en pierre de Cape Cross – un objet du XVe siècle qui servait de repère à la navigation –, la bible et le fouet du héros Hendrik Witbooi, chef du peuple nama tué en octobre 1905 en combattant les troupes coloniales. En août, Berlin signe avec le Nigéria un accord prévoyant la restitution de 512 bronzes (sur plus d’un millier conservés en Allemagne) issus du pillage du royaume du Bénin par les Britanniques. Belgique.

En février, Bruxelles remet à Kinshasa un inventaire de 84 000 œuvres prises au Congo (actuelle République démocratique du Congo, RDC) sous le règne du roi Léopold II (1865-1909) en vue d’une restitution. Le souverain belge, qui administra le Congo comme sa propriété personnelle, avait fait bâtir un musée pour accueillir les œuvres dérobées : le Musée de l’Afrique de Tervuren affiche désormais sa volonté de « décoloniser » ses collections. Cinq ans après la déclaration de Ouagadougou, le bilan de la restitution est mitigé. Sur sept demandes présentées officiellement par le Bénin (en 2016), la Côte d’Ivoire (2018), l’Ethiopie (2019), le Tchad (2019), le Sénégal (2019), le Mali (2020) et Madagascar (2020), seules deux ont obtenu gain de cause grâce à l’adoption d’une loi, le 24 décembre 2020 : le Bénin et le Sénégal. Les requêtes d’Antananarivo et d’Abidjian ont reçu une réponse favorable, mais sont toujours en attente d’une loi qui permette sa concrétisation. Les trois autres demeurent en suspens. Tous plaident pour l’adoption d’une loi-cadre qui permettrait d’accélérer ce processus et de le généraliser à l’échelle du continent.

DOCUMENT 15 : Art. 1302-1 du code civil, création ord. n° 2016-131 du 10 févr. 2016, art. 2 Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

DOCUMENT 16 : Art. 549 du code civil, modifié par loi n° 60-464 du 17 mai 1960, art. 1 Le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique ; si lesdits produits ne se retrouvent pas en nature, leur valeur est estimée à la date du remboursement.

DOCUMENT 17 : J. Garrigue et V. Deschamps, Droit de la famille, 3e éd., Hypercours, Dalloz, 2023, n° 144 (extrait)

Il importe enfin de déterminer si les cadeaux offerts dans la perspective des noces sont révoqués quand l’un ou l’autre des tourtereaux décide de ne pas tenir sa promesse ; on s’est notamment demandé si la fiancée peut alors conserver la bague qui avait été passée à son doigt. Dans la plupart des cas, les juges considèrent que la remise du joyau constitue un simple présent d’usage ; l’ancienne promise peut donc conserver son anneau et les pierres dont il est orné même si le mariage n’a pas lieu ou qu’il est dissous par un divorce (Civ. 1ère, 18 déc. 1979, Bull. civ. I, n° 331 ; 26 janv. 1988, n° 86-11.866). Il arrive toutefois que la bague puisse être reprise par celui qui l’avait transmise. L’ex-fiancé est ainsi souvent autorisé à la réclamer lorsqu’elle a autrefois appartenu à ses ascendants ou collatéraux. Si elle est suffisamment précieuse (Paris, 13 nov. 2004, Dr. fam. 2005, n° 110), elle constitue alors en effet un bijou de famille. Or les juges en déduisent qu’elle n’a pas été donnée à la demoiselle mais qu’elle lui a seulement été prêtée et qu’elle doit être rendue quand le projet nuptial avorte ou que la vie commune prend fin (Civ. 1re, 20 juin 1961 (…)). Il convient d’ajouter que dans les hypothèses où elle ne peut pas être considérée comme un souvenir de famille, elle doit néanmoins être restituée quand sa valeur apparaît très importante eu égard aux ressources du soupirant. Dans de telles hypothèses, la qualification de présent d’usage devient en effet inadaptée et il faut
conclure à l’existence d’une véritable libéralité (…). Or, « toute donation faite en faveur du mariage sera caduque si le mariage ne s’ensuit pas » (C. civ., art. 1088). Lorsque le délicat amoureux s’est ruiné afin de parer sa belle, il peut donc en principe récupérer le bijou en cas de rupture des fiançailles (Douai, 17 sept. 1985, D. 1986, J. 301). Certains juges du fond ont certes estimé qu’il doit être privé de cette possibilité lorsque la désunion lui est imputable (Paris, 3 déc. 1976, préc.). La Cour de cassation ne s’est toutefois jamais prononcée en ce sens.

DOCUMENT 18 : TGI Paris, 3e ch., 3 juin 1969, et note A. T. (Gaz. Pal. 1969, p. 57)

(…)

Mlle X… c. Soc. Ulysse-Productions et cons.

LE TRIBUNAL, – Attendu que la Soc. Ulysse-Productions, dirigée par le sieur Homme, dit Marjac, a édité le film « Paris-Secret » avec le concours du sieur Logereau, « réalisateur » (metteur en scène), et son adjoint Van Belle, « assistant réalisateur » ; que celui-ci connaissant la dlle X… née le 4 août 1946, et donc âgée de 17 ans, la mettait en rapport avec le sieur Marjac, qui le 29 juin 1964, adressait à l’intéressée une lettre rédigée en ces termes : « Comme suite à la conversation que nous avons eue avec vous, nous avons le plaisir de vous confirmer ce qui suit :

1° Nous vous engageons pour tenir le rôle de la jeune fille tatouée dans une des scènes de notre film ;

2° vous déclarez connaître ce rôle et l’acceptez sans réserve, étant
spécifié :

  • a) qu’un spécialiste effectuera le tatouage d’une Tour Eiffel avec une rose, sur une de vos fesses ;
  • b) qu’un chirurgien esthétique procédera, 15 jours après le tatouage, au détatouage de ce dessin ;
  • c) que pour des raisons techniques, le tatouage se faisant obligatoirement dans la position debout, vous devrez vous mettre nue pour ce travail et pour les prises de vue ; toutefois, il est précisé que votre corps ne sera filmé que de dos ;
  • d) que le tatouage, une fois ôté de sur votre corps, restera notre propriété pleine et entière ;
  • e) que les frais inhérents à ces différentes phases de l’opération seront exclusivement à notre charge ;

3° vous recevez, à titre de rémunération, une somme forfaitaire de 500 F, payable de la façon suivante : 150 F à ce jour ; 175 F à la fin du tatouage ; 175 F à la fin du détatouage ; 4° vous déclarez par la présente, eu égard à ce qui précède, faire abandon de recours éventuels envers notre société » ;

Attendu que la dlle X…, ayant acquiescé à ces propositions, subissait durant plusieurs heures la séance de tatouage par le sieur Bruno, devant les caméras et en présence notamment du sieur Van Belle ; que le commentaire de cette séquence du film précisait aux spectateurs que le lambeau de peau prélevé ultérieurement sur le corps de la jeune fille serait vendu « au prix d’un Picasso » ; que ce prélèvement laissant une cicatrice de 16 cm de long sur une largeur de 2 à 5 cm, était effectué par le docteur G… et suivi d’une immobilisation de 5 jours, en position couchée sur l’abdomen, décubitus très pénible, entraînant des débuts d’escarres aux coudes servant d’appui à la patiente ; qu’en outre, et en raison de la trop large exérèse de peau, les agrafes soumises à des tensions excessives ont cédé en déterminant de forts saignements, la pose inutiles de nouvelles agrafes et, en définitive, un élargissement de la cicatrice avec formation d’un tissu cicatriciel fibreux et inesthétique ;

Attendu que par assignations des 7 décembre 1967 et 4 mars 1968 précisées ou complétées par conclusions des 10 mai 1968, 19 et 21 avril 1969, la Soc. Ulysse-Productions, les sieurs Marjac et Van Belle sont attraits devant ce tribunal par la dlle X… demandant : 1° l’annulation du contrat illicite en soi et conclu par une mineure incapable d’y souscrire ; 2° une indemnité de 200.000 F payable solidairement par les défendeurs et réparatrice du fait dommageable que constitue le tatouage réalisé au moyen de la convention annulée ; 3° la restitution, sous astreinte, du lambeau de peau portant ledit tatouage ;

4° la suppression de la séquence concernant la demanderesse dans le film « Paris-Secret » ; 5° l’exécution provisoire de la décision à intervenir ; que les défendeurs s’opposent à l’action ; que la Soc. UlysseProductions offrait toutefois, le 8 mai 1969, de détruire le tatouage et s’en rapportait à la justice quant à l’éventuelle suppression de la séquence du film ; que le ministère public a conclu dans le sens de cette suppression et de l’annulation du contrat initial pour cause d’immoralité ; qu’il y a lieu, en cet état de la procédure, de statuer au fond sur les droits des parties, en examinant le contrat en ce qu’il concerne tout à tour le tatouage, puis l’opération dite « détatouage » et ses conséquences ;

Attendu, sur le premier point, qu’est manifestement immorale la clause d’un contrat tendant à obtenir qu’une personne, et particulièrement une mineure, pose nue dans un film et s’y soumette à des agissements, en l’occurrence un tatouage sur une partie corporelle que le commentateur annonce au public comme devant être prélevée et vendue à un tiers ;

Attendu, sur le second point concernant le « détatouage » que cette terminologie a constitué sous la plume de Marjac, un euphémisme pour désigner, non pas un effacement du tatouage selon le procédé bien connu des tatoueurs pour complaire à leurs clients d’un esprit versatile, mais une cruelle, sanglante et inesthétique exérèse afin de s’emparer du prélèvement corporel, en vue d’un profit mercantile que trahissent doublement, d’une part, le commentaire susvisé relatif à la vente ultérieure « au prix d’un Picasso », d’autre part, des dispositions de la convention qui assurait à la Soc. Ulysse-Productions la « propriété » du tatouage et en subordonnait le parfait paiement « à la fin du détatouage » de manière que le lambeau humain ne puisse échapper au nouveau Shylock ;

Attendu qu’en prêtant le concours de son art à des agissement scandaleux, le chirurgien a commis avec l’aide de l’assistance des préposés de la Soc. Ulysse-Productions, l’infraction de blessures volontaires ou voies de fait pénalement répréhensibles nonobstant le prétendu consentement de la victime, alors surtout qu’elle était mineure ;

Attendu que la convention du 29 juin 1964, à la fois illicite, immorale et contraire à l’ordre public, est donc annulée et toutes choses ramenées autant que possible à l’état antérieur, ce qui implique la suppression de la séquence du film et la restitution à la demanderesse du morceau de peau après destruction du tatouage comme l’a proposé la Soc. UlysseProductions dont les conclusions à cet égard ne sont pas incompatibles avec celles de la dlle X…, sauf mesures accessoires prises d’office par le tribunal pour faciliter l’exécution de la décision ;

Attendu, qu’eu égard aux souffrances éprouvées par la dlle X…, à son incapacité temporaire totale durant plusieurs semaines, à son dommage esthétique dans l’exercice de la profession de mannequin, au préjudice moral éprouvé par une mineure amenée à trafiquer de son corps pour une somme dérisoire, le tribunal a les éléments d’appréciation suffisants pour évaluer à 30 .000 F la réparation à laquelle la victime peut légitimement prétendre, toutes causes de dommage confondues ;

Attendu que l’indemnité, pour autant qu’elle représente une perte de salaire, a un caractère alimentaire ; que le lambeau de peau, sur la conservation duquel aucune précision n’est donnée, est en soi périssable ; qu’il importe au surplus de soustraire sans délai à la vue du public une séquence du film susceptible de nuire aux bonnes mœurs ; qu’il y a donc urgence et péril en la demeure justifiant l’exécution provisoire du jugement ;

Par ces motifs, – Statuant contradictoirement, annule la convention du 29 juin 1964 comme illicite, immorale et contraire à l’ordre public ; – Ordonne la suppression de la séquence concernant la dlle X… dans le film « Paris-Secret » ; – Enjoint à la Soc. Ulysse-Productions de restituer le lambeau de peau prélevé sur la personne de la dlle X… et cela dans les 8 jours suivant la signification du jugement et sous astreinte comminatoire de 100 F par jour de retard pendant un mois, passé lequel délai il sera de nouveau fait droit, le cas échéant ; – Dit toutefois qu’aussitôt avant la restitution du lambeau de peau à la dlle X…, et pour ramener autant que possible les choses en l’état antérieur au 29 juin 1964, le tatouage sera effacé ou supprimé par les moyens scientifiques appropriés par les soins du docteur Le Breton, désigné à cet effet par le tribunal ; – dit que les frais nécessités par l’intervention de ce spécialiste seront à la charge de la Soc. Ulysse-Productions ; – Condamne celle-ci, solidairement avec les sieurs
Homme, dit Marjac, et Van Belle, à verser à la dlle X… une indemnité de 30.000 F ; – Ordonne l’exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel ; – Condamne les défenseurs,
sous la même solidarité, aux dépens.

MM. Mouzon, prés. ; Bardouillet, juge et Benoit-Guyod, rapp. ; Ginsburger, subst. – Mes Dussaud, E. Caen et Casale, av.

NOTE. – Ce jugement évoque sans doute chez les gens frivoles des pensées légères ; mais chez les esprits sérieux – comme le sont tous les lecteurs de la « Gazette du Palais » – il ne manquera pas de susciter des idées d’une portée sociale infiniment plus grave. Tout d’abord, c’est une idée pour le moins originale de vouloir faire figurer sur les rondeurs les plus accusées d’une jeune personne, le plus haut des monuments publics et, ensuite, de prélever cette représentation pour en tirer profit. Cela montre jusqu’où peut aller l’imagination des individus qui s’enrichissent en remuant les bourbes de l’instinct, précisons, en se livrant à
l’excitation des majeurs à la débauche – car le délit n’existe que si l’excitateur s’adresse à des mineurs -. Le tribunal a justement condamné et flétri ces mercantis du vice et de la luxure ; il faut approuver et soutenir les magistrats qui, en dépit des plaisanteries si faciles sur la vertu, des sarcasmes hypocrites lancés au nom de la liberté, ont le courage de vouloir poser des limites à la marée de sexualité qui tend à envahir notre société. Qu’un chirurgien ait prêté son bistouri à une opération de cette nature, c’est à se demander si certains qui partagent avec le bourreau le droit de verser le sang et qui détiennent dans leurs mains expertes notre vie et aussi notre mort, ont quelques respects de la personne humaine ! Il s’agissait d’une mineure ce que le tribunal a justement souligné comme élément d’aggravation ; mais le problème se serait posé de la même façon s’il s’était agi d’une majeure et son consentement n’aurait pas légitimé l’opération. Un romancier en mal de notoriété a publié, jadis, un livre sous ce titre qui a l’air d’un aphorisme irréfutable « Ton corps et à toi ». Cependant, ce corps, tu ne peux le vendre ni même le louer, tu n’as pas le droit de l’empoisonner en prenant de la drogue ; tu n’as pas le droit de consentir de ton vivant à un prélèvement ou à une suppression d’organe. V. Savatier, Traité de droit médical, n. 274. Un arrêt de la Chambre criminelle du 1er juillet 1937 (Gaz. Pal. 1937.2.358 – S. 1937.1.193, note Tortat) a rejeté le pourvoi formulé contre un arrêt de la Cour de Bordeaux condamnant un groupe d’ouvriers espagnols et leur opérateur qui s’étaient fait stériliser pour se livrer à la débauche sans risque de paternité (Jean Malherbe, Médecine et droit moderne, p. 233). Non, ton corps tant qu’il est vivant n’est pas seulement à toi ; la justice a le droit de veiller sur son intégrité, en vue des générations futures, parce que, sache le bien, tu n’es que l’anneau d’une chaîne, qui se prolongera dans l’avenir pour une durée indéfinie et qui s’appelle une race. Tu ne peux pas le vendre, ce corps, que lorsqu’il est devenu une pauvre chair sans pensée qu’on appelle un cadavre.

En résumé, le médecin ne peut rien faire contre l’intégrité du corps du malade, s’il n’y est engagé par une nécessité de sa santé, même si c’est la volonté de celui-ci. V. Savatier, op. cit., p. 248 (Gaz. Pal. T. Q. 1961-1965, v° Médecine-chirurgie-pharmacie, n. 225 et s.). Sur la nullité des contrats lorsqu’ils reposent sur une cause immorale ou illicite, la jurisprudence est constante. V. nos Tables (Gaz. Pal. T. Q. 1956-1960, v° Obligations et contrats, n. 69 et s.